Le jour où tout a commencé (3/5) : l'URSS est morte... vive la Russie !

Pour cette série d'été, La Tribune raconte la première journée d'une aventure qui connait encore des rebondissements en 2013. Aujourd'hui, le 31 décembre 1991, l'Union soviétique cesse d'exister. Comme un comédien donnant sa dernière représentation, Mikhaïl Gorbatchev le proclamait sans émotion particulière à la télévision. Une fin annoncée, celle d'un grand malade dans le coma que l'on débranche. Ni fleurs, ni couronnes, ni discours...
Le 19 août 1991, le président russe, Boris Eltsine (au centre) sur un char devant la Maison blanche, le parlement de la république soviétique de Russie, exhorte les militaires à ne pas s'en prendre à la population et appelle à la grève générale. La Russie fête cette semaine le 20e anniversaire de la tentative manquée de coup d'Etat du 19 au 21 août 1991. Cette tentative de putsch, menée par quatre dignitaires du PC souhaitant reprendre le pouvoir et mettre fin à la "perestroïka" (restructuration

Quand la lente agonie de l'URSS a-t-elle commencé ? À la disparition de Staline, en 1953, qui clôturait le règne le plus sanglant de l'histoire de la Russie ? Après le limogeage de Khrouchtchev en 1964 qui clouait au silence un homme différent des autres dirigeants soviétiques ? Plus tard, à la mort de Brejnev, en 1982, qui laissait l'image d'un homme et d'un système dont les neurones étaient détruits ? En fait, chacune de ces grandes dates de l'histoire de l'URSS a marqué une étape décisive dans la progression de la maladie.

Aujourd'hui encore, cela reste un événement déterminant

L'Union des Républiques Socialistes Soviétiques, la deuxième puissance mondiale, dotée d'une force de frappe nucléaire terrifiante, disparaissant sans combattre, s'autodétruisant en silence... Si la chute du mur de Berlin marque la réunification de l'Europe, le 31 décembre 1991 annonce un changement considérable dans l'équilibre du monde : la fin du tête-à-tête est-ouest, la disparition du meilleur ennemi de l'Occident. La scène mondiale se libère et s'apprête à accueillir de nouveaux acteurs, dont on ne sait pas encore que certains d'entre eux seront beaucoup plus redoutables que celui qui vient de tirer sa révérence.

L'année 1991 est donc celle de la chute de l'empire. Même si elle ne peut porter, à elle seule, la responsabilité de l'un des moments les plus importants du XXe siècle, l'enchaînement des circonstances, entre janvier et décembre de cette année-là, va provoquer le démantèlement, presque pierre à pierre, de l'édifice né le 30 décembre 1922, et qui constituait déjà le plus grand État du monde, même s'il n'incluait alors ni l'Ukraine de l'Ouest ni les pays Baltes.

Une triple défaillance pour faire chuter l'URSS

La première est celle des économistes. Personne n'avait théorisé la façon dont on peut transformer une économie centralisée, basée sur des échanges monétaires virtuels, minée par les mensonges, les statistiques falsifiées, les tromperies, les escroqueries, le vol massif des biens de l'État en une économie libérale de marché.
On a eu beau faire venir à Moscou la fine fleur de l'école de Chicago, décréter la plus grande privatisation de tous les temps, brader les gisements de pétrole et de nickel à la crème de la jeunesse entreprenante et pas très à cheval sur la morale, le passage des directeurs rouges aux nouveaux actionnaires s'est traduit par une désorganisation profonde, durable du système productif soviétique, aux effets dramatiques pour la population. Incapable de se réformer et de nourrir ses enfants, l'Union soviétique s'est révélée dans toute sa nudité, débranchée du système de planification et de centralisation.

La seconde défaillance est celle du rêve impérial. À partir d'Ivan III, le père du « Terrible », les souverains russes n'ont eu de cesse que de construire un empire, le plus vaste du monde, que les derniers souverains de la dynastie des Romanov ont poussé jusqu'aux limites du monde musulman, à la fin du XIXe siècle.
Russifié par la force, soviétisé par la ruse, les traités et la barbarie, l'empire a été démantelé par la lutte des opprimés, comme dans le cas des pays Baltes, mais plus souvent par sa privatisation au bénéfice de ceux qui en avaient la charge pour le compte du Parti.
Ce qui avait mis cinq siècles à se construire, se délitera en quelques réunions secrètes dans des pavillons de chasse de la nomenklatura, à coups de déclarations enfiévrées sur la liberté reconquise des républiques. Une liberté qui sera bientôt confisquée par ceux-là même qui s'en étaient proclamés les défenseurs.

La troisième défaillance est celle des élites. Occupés à leurs affaires, concentrés sur la mécanique de conversion en belles et bonnes devises étrangères des monceaux de roubles accumulés sous leurs matelas, les dirigeants soviétiques se sont désintéressés du sort de l'Union.
Ils ne se sont pas davantage préoccupés des conditions de sa modernisation, laissant Mikhaïl Gorbatchev isolé entre un démagogue très doué, Boris Eltsine, et une vieille garde aigrie, vindicative, incompétente. Au point de fomenter un coup d'État tout à la fois désespéré et drolatique, en août 1991, qui allait définitivement enlever à « Gorby » ce qui lui restait de crédibilité et de pouvoir.

Telle fut cette année 1991 en Russie : les spetsnaz du KGB à Vilnius, la faim dans la rue à Moscou, la confusion au Kremlin, les caisses vides, le Parti faisant filer ses roubles à Londres et à Zurich, un coup d'État raté où le vice-président de l'URSS, ivre, vient annoncer à la télévision qu'il a pris le pouvoir, la première élection au suffrage universel de l'histoire millénaire de la Russie, qui portera Eltsine au pouvoir, la joie insolente de l'administration Bush (George), voyant son adversaire s'écrouler sans même tirer un coup de feu...

Vive la Russie ?

Fin du communisme, disparition de l'empire, dilution de son influence dans le monde, la Russie a profondément changé en vingt ans. Elle n'est pas devenue celle que l'Occident attendait. Elle a suivi un cours sans logique apparente, poursuivant sans conviction ses rêves de puissance passée, renouant avec quelques veilles lunes comme la « verticale du pouvoir », se livrant à une classe dirigeante sans idéologie particulière mais dotée d'un insatiable appétit de s'enrichir.

La révolution, disait Lénine, c'est les Soviets et l'électricité. La Russie d'aujourd'hui, c'est l'espace sans le pouvoir, serait-on tenté de lui rétorquer, sauf celui que donne, dans le monde d'aujourd'hui, la richesse de son sous-sol. Coïncidence troublante de l'histoire : décembre 2011 annonce peut-être la fin du système Poutine.

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> 25 février : dissolution du pacte de Varsovie.

> 12 juin : Boris Eltsine devient le premier chef d'État russe élu au suffrage universel.

> 18 août : le vice-président de l'URSS, le chef du KGB et quelques comparses tentent de s'emparer du pouvoir à Moscou. Le coup d'État se termine le 22 août à la confusion des putschistes.

 >>> VIDEO 19 août 1991 : factuel renversement Gorbatchev (source INA)

>>> VIDEO 20 août 1991 : état d'urgence à Moscou (source INA)

>>> VIDEO 21 août 1991 : ambiance de coup d'état à Moscou (source INA)

 

>>> VIDEO 22 août 1991 : l'echec du putsh en URSS
(la journée de Mikhaïl Gorbatchev et la journée de Boris Eltsine)(source INA)



> 8 décembre : début du sommet de Minsk à l'issue duquel la Russie, l'Ukraine et la Biélorussie créent la CEI.

> 25 décembre : Mikhaïl Gorbatchev démissionne de son poste de président de l'URSS.

>>> VIDEO Journée historique à Moscou (source INA)
> 26 décembre : le Soviet suprême dissout formellement l'URSS.

> 31 décembre : dernière allocution télévisée de Mikhaïl Gorbatchev à la télévision.  

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