Les pays du sud de l'Europe pris dans le piège du désinvestissement

Apparemment, l'Espagne, l'Italie, le Portugal... sont sur la voie de la sortie de crise grâce à une compétitivité qui se redresse. Elle se mesure par des exportations en hausse. Mais la chute de l'investissement, qui provoque une baisse des capacités de production, risque de créer en retour un véritable cercle vicieux.
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 Comment appréhender la réalité des pays du sud de l'Europe ? En Espagne, le chômage explose, sous l'effet d'une récession continue - le PIB reculerait encore de 1,5% en 2013, selon le FMI-. Le taux de chômage a déjà atteint 26% de la population active. Le déficit public est à peine réduit. L'Italie est aussi plongée dans la récession, en n'en sortirait pas avant 2014.

Et pourtant, un indicateur peut donner à penser que ces pays sont sur le bon chemin, celui d'une croissance saine, à l'avenir, qui ne reposerait non pas sur une bulle immobilière ou tout autre soutien artificiel de la demande intérieure : cet indicateur, c'est la hausse des exportations, sensible aussi bien en Espagne qu'au Portugal ou en Italie. En Espagne, les ventes à l'étranger ont crû de plus de 25% en volume, depuis le creux du début 2009, au plus fort de la récession européenne. Idem en Italie.

Même si le rétablissement des balances courantes entre ces pays et le reste du monde tient surtout à la chute des importations, synonyme de déprime de la demande intérieure, ce renouveau des exportations est incontestablement une bonne nouvelle.

Un regain de compétitivité
Il serait le signe d'un regain de compétitivité. Les entreprises espagnoles, grâce à la baisse des salaires -les coûts unitaires de production diminuent sensiblement- , redeviendraient performantes, et prendraient du reste des parts de marché à leurs homologues françaises. Renault n'est-il pas en passe d'investir au-delà des Pyrénées, alors qu'il réduit au contraire la voilure en France ? A terme, cette compétitivité accrue pourrait être à l'origine, dans des pays comme l'Espagne, de créations d'emplois, et donc de distribution de revenus, ce qui alimenterait à nouveau le moteur de la demande intérieure.?

C'est le scénario idéal que tentent de vendre les partisans bruxellois de l'austérité budgétaire, qui voient dans celle-ci un gage d'assainissement : certes, il y a un prix à payer, un mauvais moment à passer, mais une fois les comptes rétablis, la machine peut repartir sur de meilleures bases, celles de l'exportation, créatrice d'emplois. Les agents économiques sont d'autant plus enclins, alors, à dépenser que la perspective de nouveaux impôts est écartée, puisque le déficit public est en voie de résorption.

Le cercle vicieux du désinvestissement

Le hic, c'est que ce scénario rose peine à se concrétiser. En dépit de coupes dans les budgets publics, les déficits ne se résorbent pas. Ou insuffisamment. Le déficit public dépassera ainsi les 6% du PIB, en Espagne, cette année. Et surtout, la chute de la demande intérieure, provoquée par un cocktail détonnant, à base de coupes dans les budgets, de baisse des salaires réels (-6% depuis 2010, en Espagne, -3% en Italie) et de chute de l'investissement, a des effets dévastateurs. Qui le seront encore plus à long terme.

Car, comme le souligne l'économiste Patrick Artus, directeur des études économiques de Natixis, la baisse des dépenses d'équipement des entreprises, notamment industrielles, provoque le déclenchement d'un véritable cercle vicieux. Cette baisse tient avant tout à l'effondrement des marchés domestiques (de la demande intérieure) : les entreprises n'ont plus de commandes dans leur pays d'origine, elles cessent donc d'investir.

En Espagne, l'investissement productif est aujourd'hui 50% en dessous de son niveau de 2007. En Italie, la chute atteint 25%. Certaines machines arrivant à obsolescence, il en résulte une diminution des capacités de production industrielle. Selon les calculs de Patrick Artus, ces capacités auraient chuté de plus de 20% en Espagne, et de 15% en Italie.
Le cercle vicieux s'enclenche, quand cette diminution de la capacité à produire contraint les pays du sud à peser sur leur demande intérieure pour maintenir l'équilibre de leurs comptes extérieurs. Car, faute de capacités, ils seront très vite limités dans leurs capacités d'exportation...

Le seul, moyen, alors, de maintenir l'équilibre des comptes externes, sera de peser sur la demande. Ce coup de frein à la demande interne affaiblit encore plus l'investissement... d'où une chute supplémentaire des capacités de production, etc. Dans ces conditions, la hausse constatée des ventes à l'étranger ne risque d'être qu'un feu de paille...

Les traités européens accentuent la tendance

En outre, les nouveau traité européen sur la stabilité budgétaire peut renforcer ce cercle vicieux. La norme retenue est, en effet celle de l'équilibre des comptes publics, le déficit étant corrigé de la conjoncture. Comment cette correction est-elle opérée? Sera calculée une croissance potentielle, elle même basée sur le taux d'utilisation des capacités de production.

Or, plus ces dernières sont faibles, plus la croissance potentielle l'est. Et plus le déficit public est réputé relever non pas de la conjoncture, mais est considéré comme structurel. Autrement dit, à éliminer. Très concrètement, cela signifie que les efforts budgétaires exigés de l'Espagne vont aller croissant. Ils pèseront sur la demande interne, et pousseront à accélérer le désinvestissement. Qui réduira les capacités de production, obligera à de nouveaux efforts, etc....

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Commentaire 1
à écrit le 02/02/2013 à 14:44
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Tout cela fait partie de la guerre des monnaies. L'Euro est donc condamné à exploser ou imploser, comme vous voudrez. À moins que le traité de Maastricht, imposé par l'Allemagne avec l'appui de la France, et qui ne sert plus que les intérêts de l'All...

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