La Chine relance le chantier d'une écocité

La construction de la ville « durable » près de Tianjin a commencé. Ce projet pragmatique ne fait pas l'unanimité mais il devrait servir de modèle à d'autres zones.

L'écocité de Tianjin ne sera pas une autre Dongtan. Ce premier projet chinois de ville durable près de Shanghai, qui avait fait couler beaucoup d'encre, est resté sur les planches faute de financement. Ici, dans la zone industrielle de Binhai, à une trentaine de kilomètres de Tianjin, les travaux ont commencé, les premiers immeubles ont été construits et quelques rues pavées.

Dans un an et demi, les premiers habitants pourront emménager dans ce qui devrait être la première ville durable viable du monde.

Située à 120 kilomètres et 30 minutes en TGV de Pékin, l'écocité est un joint-venture entre le gouvernement de Singapour et le gouvernement local de la ville de Tianjin.

À terme, soit dans une dizaine d'années, les 350.000 habitants de la ville pourront y travailler et se divertir dans un environnement vert. Le site, qui s'étend sur 30 kilomètres carrés, regroupera habitations, industries légères, entreprises et espaces de loisirs.

L'eau du robinet sera potable, les ordures ménagères recyclées. Le transport sera assuré par des véhicules hybrides ou électriques et 20 % de l'énergie proviendra de sources renouvelables. Ce qui signifie que 80 % proviendront sans doute toujours du charbon, cause première des émissions de CO2 chinoises. De quoi faire grincer des dents militants écologistes et puristes.

Place à la réalité

Si la ville sera plus écologique que ses voisins Pékin et Tianjin, elle restera néanmoins très loin de la neutralité carbone. « Il ne reste plus grand chose du projet original. La densité est trop importante, les immeubles ressemblent à ceux qu'on voit dans n'importe qu'elle autre ville », explique Eero Paloheimo, considéré en Chine comme le père de l'écocité et qui a conseillé le projet initial. « Cette étiquette d'« écocité » n'est plus qu'une manière d'attirer de l'argent », poursuit-il.

Pour autant, le projet a déjà attiré 2,5 milliards d'euros des entreprises, dont Philips et Siemens qui reçoivent en échange des contrats d'exclusivité pour leurs produits, et 40 milliards des développeurs immobiliers. Si dans l'enceinte de la ville même le retour sur investissement risque d'être très faible, les investisseurs espèrent décrocher des contrats dans le reste de la zone qui veut se positionner comme la « ceinture verte » de la Chine. L'objectif premier est de proposer un modèle économique viable, facilement réplicable dans d'autres provinces. On est bien loin de l'écocité dont rêve Eero Paloheimo, 100 % écologique, un modèle pour une élite aisée, loin des grandes zones urbaines.

« Les Singapouriens ont avant tout voulu être pragmatiques. Personne ne voulait connaître le même sort que Dongtan ou Masdar, l'hyper projet des Émirats arabes unis », explique Nick Parker, président de Cleantech, en déplacement à Tianjin. « Le gouvernement local ne peut pas perdre la face ».

« Pragmatique » est le mot même qu'utilise le PDG du joint-venture, Goh Chye Boon, lorsqu'il évoque son projet. Il avoue lui-même que la ville ne sera « pas une vitrine des dernières technologies vertes » mais une « ville abordable dans laquelle les gens veulent vivre ». Il prévoit au total 20 % de logements sociaux.

« Comment à la fois être vraiment vert et attirer les résidents avec des prix abordables ? » avoue même un employé proche du PDG. Beaucoup d'écologistes s'inquiètent du sacrifice d'une partie de la qualité « verte » pour que la ville voit le jour à tout prix. Certaines rumeurs sur des affaires de corruption et de pots de vin circulent déjà.

« Même si il reste beaucoup à faire, c'est un pas dans la bonne direction », relativise Nick Parker. « La ville a pu attirer des investisseurs. Le modèle va s'étendra à d'autres zones ».

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