Christine Kelly : "il faut préparer le secteur des médias à des mutations comportementales"

Face à la profusion de messages sur l'environnement global et le changement climatique, les professionnels de la publicité ont déjà à la suite du Grenelle élaboré plusieurs garde-fous pour limiter le "greenwashing". En revanche, le secteur des médias peine à intégrer l'environnement dans sa réflexion et ses actions. Christine Kelly, récemment nommée sage du Conseil supérieur de l'audiovisuel, est en charge du développement durable.

Le niveau de lecture des informations sur le changement climatique vous semble t-il complexe ou simplifié ?

Les informations dont nous disposons sont de plus en plus nombreuses, plus claires, plus détaillées. Mais beaucoup de choses restent à dire pour bien informer le téléspectateur et l'auditeur. La mission "santé et développement durable" que je préside au CSA est toute nouvelle. C'est une volonté affichée du président du CSA Michel Boyon. Pourquoi ? Parce que nous tenons à encourager les médias à aller dans le bon sens. Cette mission a deux axes: aider les médias à ne pas oublier cette problématique, mais aussi regarder de près l'impact de ceux-ci et de la production audiovisuelle. Le secteur est peu sensibilisé aujourd'hui. Peu de médias ont fait leur bilan carbone. Produire les fictions, les émissions, réaliser des reportages, nécessite de l'énergie, et l'empreinte écologique est à prendre en considération. Il faut préparer le secteur à des mutations comportementales. Ce sont des milliers d'entreprises qui pourraient réduire leur impact sur l'environnement. Plusieurs groupes y travaillent déjà comme l'Ademe, TF1, France 5, la chambre de commerce et d'industrie des Hauts-de-Seine, les DRIRE (Directions Régionales de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement) avec le projet Ecoprod. D'ailleurs au CSA, nous avons commencé, au sein d'un nouveau groupe que je préside, à nous auto-gérer. J'ai réuni tous ceux qui voulaient s'intéresser au sujet. Combien de feuilles de papier dépensons-nous par jour ? Combien de cartouches d'encre utilisons-nous ? Quelles ampoules utilisons-nous ? Quel quantité de courrier peut-on dématérialiser ? Peut-on aider les salariés à utiliser des transports plus écologiques ? Pour la première fois de son histoire, le CSA se penche sur toutes ces questions.

La structure actuelle des rédactions vous semble-t-elle capable sous sa forme actuelle de traduire le caractère transversal du changement climatique ?

Tout est structure dans une rédaction. Politique, Culture, International, Économie, Environnement. Il faut de la structure mais on se rend compte que le sujet du développement durable est partout. Peut être que le téléspectateur ou l'auditeur ne sera pas attiré au départ par une rubrique spécifique à l'environnement mais plutôt par un sujet traité dans la rubrique "consommation" "économie" ou "politique". On l'a vu pour le grenelle de l'environnement. Mais ne nous trompons pas. Le téléspectateur ou l'auditeur veut de l'information sur ces thèmes. Au sein de ma mission, je suis prête à en discuter avec les télévisions et radios, tout en sachant que le travail du CSA s'arrête aux portes des rédactions. Ce que l'on peut constater, et c'est regrettable, c'est qu'en général il faut un convaincu dans une rédaction pour parler du développement durable. Il faut un convaincu à la tête des chaînes et radios pour parler des problématiques environnementales. Sans homme convaincu, pas de message. Quand aux reportages réalisés, ils évoluent. Regardez le magazine d'Arte le vendredi à 19 heures, "Global Mag"; "j'ai vu changer la terre" sur France 5 le samedi à 15 heures; "les temps changent" un docu fiction sur France 2 en prime time en février. Regardez LCI qui avait transformé son antenne pour parler de ces sujets l'an dernier lors de la journée mondiale de l'environnement. Regardez  "Climat 2" programme court de 5 minutes sur France 2. France Télévisions s'investit plus particulièrement. Gulli fait dans l'originalité, la chaine a instauré un label pour ses programmes verts il y a 6 mois, une façon de lier éducation et environnement.

Les programmes courts sur cette thématique financé par la publicité constituent-ils un levier d'action ou un obstacle à la compréhension ?

Un levier d'action sans aucun doute ! Le pire serait de ne pas en parler. Cela dit, tout est dans la façon dont on traite le sujet. Informer justement, alerter sur certains thèmes sans être anxiogène. Mais oser dire tout haut ce que beaucoup disent trop bas. Il y a visiblement une soif d'information. En témoigne le succès d'audience de Home avec environ 9 millions de téléspectateurs sur France 2.

La communauté scientifique s'accorde sur l'incertitude la manifestation du changement climatique, l'excès d'illustrations sur les catastrophes climatiques passées ou la fonte des glaces vous parait-elle excessive ou justifiée ?

Montrer les catastrophes passées reste justifié. Ne nous voilons pas la face. Il faut montrer la beauté de notre planète. Il faut souligner que nous ne vivons et respirons que grâce à elle. Il faut aussi dire que nous détruisons notre propre poumon et expliquer que les conséquences sont catastrophiques. Mais il faut surtout montrer le chemin. Ou aller ? Que faire au quotidien ? Comment maîtriser l'impact de l'homme sur la planète, chacun à son niveau ? Il y a donc ces 3 axes à développer et, bien sur, les médias ont une grande responsabilité dans la transmission de l'information.

Les parties prenantes (public, autorités, entreprises, ONG, scientifiques) sont-elles suffisamment présentes dans les médias ?

Il est clair qu'elles ne sont pas assez représentées. Il faut plonger dans le monde associatif, des experts, pour faire remonter l'information au grand public. Certains intervenants restent encore trop "spécialistes" sur les plateaux, à la radio et à la télévision et parfois manquent de savoir-faire pour apporter l'information au grand public. Les émissions se multiplient et parfois on se demande si le fossé entre ceux qui s'intéressent au sujet et ceux qui veulent en savoir plus ne s'agrandit pas. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel se penche sur toutes ces questions, il y va de notre qualité de vie, peut être de notre survie.

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Commentaires 3
à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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La perte de biodiversité est un péril encore plus grand que le réchauffement climatique global. L'humanité fait partie de la biodiversité et en dépend. C'est notre espèce qui, dans la biodiversité à laquelle elle appartient, perturbe tout le reste...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Sujet interressant, comment expliquer aux masses que notre qualitée de vie, voire notre survie dépend de notre modération de consommation via les médias qui passent le plus clair de leur temps à obliger ces mêmes masses à toujours plus de consommati...

à écrit le 09/10/2009 à 13:41
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Certains médias ont pris le pli d'informer le public en prenant du recul. http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/07/actu-environnement-existe-depuis-6-na.html ou en insistant sur les solutions : http://ong-entreprise.blogspot.com/2009/05/reporter...

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