Alliance Renault - Bolloré  : « Il est un peu tôt pour se réjouir »

Mi-septembre, le gouvernement et la presse saluaient l’annonce d’une alliance entre Renault et Bolloré dans le domaine de la voiture électrique. Si l’intention des deux industriels fait sens, les analystes financiers gardent la tête froide. C’est le cas de Thomas Perrotin, analyste chez Moneta Asset Management.

Cleantech Republic : Vous semblez très prudent sur ce partenariat… Pourquoi ?

Thomas Perrotin (Moneta Asset Management) : Effectivement, il me semble qu'il est un peu tôt pour se réjouir car il s'agit d'une simple coopération d'études, comme cela se pratique tous les jours sans faire la une des journaux. Deux industriels envisagent de travailler conjointement sur quelques projets : on est encore loin d'un partenariat industriel de production. D'après nous cet accord n'a d'ailleurs pas eu impact sur les deux valeurs. Même si, à l'évidence, il va dans la bonne direction d'un point de vue stratégique.

Qui des deux alliés a le plus à y gagner ?

L'accord nous semble équilibré. Renault a tout de même essuyé plusieurs échecs successifs dans le développement de batteries (ndlr : faillite de Better Place et déception technique de la batterie Nissan), il lui faut donc rattraper le temps - et l'argent - perdus dans ces opérations. Rappelons que la batterie est probablement le frein principal au développement de la voiture électrique et que son prix représente facilement la moitié de la valeur des véhicules. De son côté, Bolloré peut se satisfaire de la performance de ses batteries et de son système d'auto partage, mais doit constater que sa Blue Car n'est pas au niveau qualitatif d'une Zoé. Une alliance future avec un vrai constructeur automobile pourrait donc s'avérer fructueuse. Même si nous restons dubitatifs sur le projet de voiture trois places…

N'y a-t-il pas un risque d'éloigner d'autres partenaires ou clients ?

A priori non, les deux partis restants ouverts à d'autres options, comme c'est dans leur intérêt de l'être. Il est habituel et nécessaire dans ce domaine très évolutif que les industriels gardent de la souplesse.

Pour Bolloré, la nouvelle tombe à point nommé puisque le groupe prépare actuellement l'introduction en bourse de sa filiale Blue Solutions dédiée à la batterie. Quel sera l'impact de cette annonce sur l'IPO ?

Rappelons qu'effectivement seules les batteries vont en bourse : Blue Application, qui contient l'auto partage (comme Autolib), reste dans le giron de Bolloré… pour l'instant en tout cas. Bien sûr, le rapprochement avec Renault montre l'intérêt d'un constructeur pour cette batterie visiblement bien née ainsi que pour les solutions de car-sharing. Cependant, l'intérêt - et les craintes - des investisseurs pour Blue Solutions reposent sur d'autres critères.

Pouvez-vous détailler ?

Les aspects industriels et techniques sont rassurants. Bolloré a démontré non seulement sa capacité à concevoir une batterie performante mais aussi l'existence d'un marché de l'autopartage public, qui a permis d'amorcer la pompe et qui garantit à Blue Solution la moitié de ces commandes futures. C'est ambitieux, car d'après nos calculs, il faudrait vendre un système d'autopartage à une grande ville chaque année. Reste tout de même un sujet d'interrogation : le prix de la batterie est quasiment virtuel car il relève pour le moment du prix de transfert (ndlr : vente de Blue Solution à Blue Application). Il est donc très difficile pour les analystes de mesurer son réel potentiel commercial face à la concurrence, et même de valider complètement le modèle économique de Blue Solution. De plus, Bolloré prévoit d'adresser également le marché des batteries stationnaires (ndlr : stockage tampon des EnR). D'une part ce marché est embryonnaire et donc risqué notamment au niveau du « time to market ». D'autre part, il impose des spécificités technico-économiques que la batterie française n'est pas certaine de remplir. Au final, la confiance des investisseurs dans la vision de Bolloré fera pencher la balance.

Cleantech Republic

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Le partenariat Renault-Bolloré en bref…

  • Etude de la création d'une société commune de commercialisation conjointe de solutions d'auto artage
  • Etude du transfert de certaines fabrications de Bolloré dans des usines de Renault
  • Développer l'ingénierie d'une voiture électrique à 3 places pour Renault

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