Afrique : « De belles opportunités d’investissement dans l’énergie »

Etudier 25 projets locaux et en tirer non seulement les bonnes pratiques mais aussi un état des lieux énergétique du continent le moins électrifié. C'était l'objectif du projet « Africa Express » réalisé en 2012 par Jérémy Debreu et Claire Guibert. Entretien.

Cleantech Republic : Comment est né ce projet ?

Jérémy Debreu : Notre idée était de détecter des projets d'énergie pour identifier les pratiques reproductibles en Afrique et dans les pays en développement en général, leurs facteurs-clés de succès, en termes de technologies, de gouvernance, ou de modèle économique… Rapidement, il nous est apparu qu'il serait plus efficace de les étudier in situ, sans filtres : nous avons donc cherché des sponsors pour organiser un tour d'Afrique.

EDF et Schneider sont vos principaux partenaires. Que venaient-ils chercher ? De la communication ?

Oui bien sûr, mais pas seulement. Schneider Electric, qui souhaite se positionner sur l'électrification rurale en Afrique, y a trouvé l'occasion de recueillir de l'information de terrain. Quant à EDF, c'est plutôt le côté veille technologique et opérationnelle qui les a motivés. Africa Express n'était pas un « raid » mais bien un voyage d'étude ! Cela confirme également que l'Afrique est perçue comme un véritable partenaire économique par ces grands groupes.

Comment définissez-vous l'Afrique de l'énergie ?

Il y a en réalité plusieurs Afriques énergétiques, avec d'importantes disparités. L'Afrique du Nord présente un taux d'électrification supérieur à 90% (ndlr : % de la population ayant accès à l'électricité) alors que l'Afrique sub-saharienne plafonne à 30% en moyenne. Avec néanmoins une exception : l'Afrique du Sud dont le taux d'électrification atteint 70% et qui dispose même d"énergie nucléaire. Enfin, l'Afrique de l'Est est très dynamique avec à la fois de grandes opérations de développement du réseau électrique régional, et des projets d'électrification rurale décentralisée. Ce qui est certain, c'est que la demande - le besoin en énergie - est très forte, et qu'il y a donc de belles opportunités d'investissement.

Pouvez-vous préciser ? Dans quels types de projets faut-il investir ?

Partons d'abord d'un point commun entre tous les projets que nous avons étudiés : la difficulté à mobiliser des capitaux privés. Dans la majorité des cas, pour être viables, 80% des investissements doivent provenir d'ONG, de fonds d'investissements ou d'institutions de financement, comme la Banque Mondiale, la Banque Africaine de Développement ou l'Agence Française de Développement. Ensuite, il faut admettre que nous avons rencontré deux typologies de projets très différentes sur les plans économiques et financiers. D'un côté les grands projets d'envergure nationale ou régionale, comme la centrale solaire à concentration de Ouarzazate (Maroc), ou encore de la centrale géothermique de Menengaï (Kenya), dont les modèles économiques sont solides, et les rendements financiers très intéressants. Actuellement, 15 milliards de dollars sont investis annuellement dans le secteur de l'énergie en Afrique (ndlr : 9 milliards en 2009, voir infographie), alors que le marché pourrait en absorber quatre fois plus pour parvenir à l'accès universel à l'énergie. Il y a donc une place pour des investisseurs privés.

A contrario, des secteurs à éviter ?

A éviter non, car tous les projets d'énergie contribuent au développement du continent. Mais les projets très locaux, généralement autour de l'électrification rurale, présentent des modèles économiques très - trop - modestes, car ils s'adressent souvent à des populations pauvres. Le passage à l'échelle supérieure - électrifier non pas quelques villages, mais des centaines ou des milliers - est compliqué à cause d'une rentabilité trop limitée. J'ai peur que l'Afrique rurale peine à sortir de la précarité énergétique dans les 20 prochaines années… C'est d'ailleurs une « alerte » que nous souhaitons lancer : l'électrification de l'Afrique rurale est à la peine, malgré les efforts et l'ingéniosité de ces habitants, à cause de freins structurels légaux et du manque de mobilisation de certains acteurs.

Africa Express - Infographie

> Infographie tirée du Livre Blanc Africa Express

Avez-vous trouvé des innovations à importer chez nous ?

Pas vraiment, mais ce n'était pas l'attente principale de ce voyage-étude. Attention, nous avons découvert de véritables innovations, comme les fours de cuisson dit « améliorés » d'UpEnergy (Ouganda), qui sont innovants dans leur technologie, et surtout dans leur mode de commercialisation qui mêle crédits carbones, micro-crédit, crowdfunding et marketing social… Ou encore, le projet BPC Lesedi (Bostwana) qui propose des kits photovoltaïques sous forme de service (le client n'est pas propriétaire des panneaux), distribués par des franchisés. Ces idées sont excellentes, mais répondent essentiellement à des problématiques locales, et ne sont pas vraiment « réplicables » dans une optique Sud-Nord.

Au final, quel bilan tirez-vous de cet « energy trip » ?

L'Afrique de l'énergie est en marche : plusieurs pays s'équipent massivement et des « super grids » sont en cours d'élaboration. A l'instar des télécom (ndlr : le continent, vierge de réseau télécom filaire, est très bien couvert en téléphonie mobile), elle passe quasiment directement aux énergies renouvelables, aux réseaux intelligents, et à la production locale décentralisée. En revanche, le spectre d'un accès à l'énergie à deux vitesses - villes et « campagne » - se rapproche dangereusement. Nous allons donc continuer notre quête des solutions et le partage des bonnes pratiques !

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Africa Express en bref…

  • 25 projets
  • 8 mois de voyage
  • 40 000 km parcourus, le plus souvent possible en train
  • 26 pays
  • Sponsors : Fondation Schneider Electric, EDF, Banque Africaine de Développement, Union Internationale des Chemins de Fer.
  • Consulter le webdoc
  • Consulter le Livre Blanc

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Commentaires 2
à écrit le 28/07/2017 à 20:51
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Recherche société capable de réaliser des infrastructures dans l'électricité et énergie renouvelable d'un pays africain.(investissement et réalisation) Programme gouvernemental sera adressé à toute demande.

à écrit le 18/12/2015 à 13:15
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Je voudrais investir sur les eleonnes au congo

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