Ynsect parie sur l’élevage d’insectes pour nourrir les animaux d’élevages

Face à la forte augmentation de la demande mondiale, la production de nouvelles formes d'alimentation animale suscite un fort intérêt. La solution pourrait venir d'une start-up française au nom évocateur : Ynsect.

La farine d'insectes, nouvel aliment clé de nos élevages ? C'est ce que semblent indiquer les récentes préconisations de l'Organisation des Nations-Unies pour l'Alimentation et l'Agriculture (FAO). Selon l'institution, les « matériaux riches en protéines » issus d'insectes présenteraient de nombreux avantages. Fort de ce constat, les quatre fondateurs de la start-up française Ynsect entendent commercialiser une farine d'insectes propre à la consommation. Pour cela, ils peuvent compter sur le soutien actif d'investisseurs fidèles puisque la jeune entreprise a annoncé deux levées de fonds significatives au cours des derniers mois. Près de 7 millions d'euros lui ont ainsi été attribués  au cours de l'année 2014.

Une alternative crédible pour répondre à la pénurie de protéines

Principalement composée de farine et huile de poissons, de soja et de céréales, l'alimentation à destination de l'élevage et de la pisciculture devrait voir sa production augmenter de 70 % à l'horizon 2050. En cause, le doublement de la production de produits carnés répondant aux attentes de près de 9 milliards d'individus. Estimée à 870 millions de tonnes en 2011, la production mondiale d'aliments pour animaux représente donc de nombreux enjeux et de multiples opportunités. Parmi ces dernières, le développement d'une farine issue d'insectes révèle des atouts qui n'ont pas échappé aux fondateurs d'Ynsect comme le souligne Alexis Angot, Directeur juridique et financier de la société.

« Nous sommes partis d'un double constat. D'un point de vue macroéconomique, la forte croissance de la population mondiale représente un véritable enjeu. Dans un contexte d'augmentation du niveau de vie et de ce fait, d'une demande accrue en produits carnés, les tensions sur les écosystèmes s'accroissent. L'interrogation qui s'est alors posée relève d'abord du bon sens. Il est ainsi étonnant que les insectes, à la base du régime alimentaire de nombreuses espèces, soient omis de l'alimentation d'animaux d'élevage. A titre d'exemple, les insectes composent jusqu'à 70 % de l'alimentation des truites. »

Néanmoins, la production d'insectes à échelle industrielle suscite encore de nombreuses interrogations. Et notamment la présence d'antibiotiques dans les produits consommés par les animaux. Conscient de cette problématique, Alexis Angot se veut rassurant. « Nous nourrissons uniquement nos insectes avec des aliments autorisés. En Europe, il est autorisé de donner des farines d'insectes aux animaux domestiques. Nous avons donc bon espoir que les farines d'insectes soient prochainement autorisées pour l'alimentation des poissons. L'Autorité Européenne de Sécurité des Aliments (EFSA) mène actuellement une instruction sur le sujet ».

L'Entoraffinerie, une bioraffinerie d'insectes à échelle industrielle

Le projet des fondateur d'Ynsect repose sur le concept de l'Entoraffinerie. Dans cette bioraffinerie, les insectes tiennent le premier rôle en valorisant des matières organiques initialement sans grande valeur ajoutée. Après un long processus de dégradation de ces aliments, les mouches et autres coléoptères seront abattus et transformés afin d'être convertis en produits biosourcés. Cette bioraffinerie d'insectes engendrera à l'horizon 2020 la création de produits de commodité, à savoir une farine d'insectes entrant dans le mix des matières premières déjà utilisées pour l'alimentation animale.

Cependant, pour être compétitive, cette dernière devra présenter un coût moindre que la farine issue de poissons estimée aujourd'hui à 2400 $ la tonne. Notons qu'à ce jour, aucun système de production alternatif ne s'avère compétitif en comparaison de ceux dédiés à l'élaboration d'une alimentation animale traditionnelle. En 2011, une étude menée aux Pays-Bas a ainsi établi que la production de vers de farine est toujours 4,8 fois plus chère que celle des aliments conventionnels pour poulets.

Reconnus pour leur haute valeur protéinique, les insectes comestibles pourraient offrir une alternative aux coûteuses productions de farines classiques. Représentant près de 70% des coûts de production de l'alimentation animale selon la FAO, la production des farines de soja, de viandes et de poissons contribuent parallèlement à la dégradation des écosystèmes : « La consommation de poissons d'élevage est souvent vue comme bénéfique pour l'environnement. Or, leur alimentation est composée en partie de farine conçue à partir de la pêche de petits poissons ».

Un premier démonstrateur en 2015 au sein du Génopole d'Evry

Figurant parmi les quatre sociétés pionnières spécialisées dans les biotechnologies « insectes », Ynsect devrait présenter en 2015 un démonstrateur capable de produire plusieurs centaines de tonnes d'insectes sur le pôle Innovia, près de Dole. Et les fondateurs réfléchissent déjà à de nouvelles utilisations des insectes - notamment de leur carapace - dans les domaines de la chimie verte ou de la cosmétique.

En attendant la commercialisation de produits à destination de l'alimentation humaine ? Il n'y aurait qu'un pas à franchir selon Alexis Angot. « L'innovation fait partie de notre ADN. Si les demandes en ce sens se confirment, le potentiel doit être exploité. Dans un premier temps, il faudrait mener des analyses complémentaires notamment d'allergénicité et de toxicité pour assurer une totale innocuité ». L'Union européenne n'étant pas encore dotée d'une réglementation spécifique régissant l'élevage et la commercialisation d'insectes destinés à la consommation humaine, certains obstacles restent encore à lever avant que des insectes se retrouvent dans nos assiettes.

Ynsect en bref...

  • Création : 2011
  • Implantation : Evry
  • Effectif : 20 personnes
  • Levée de fonds : 7 millions d'euros en 2014
  • Chiffre d'affaires : non communiqué

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Bio express de l'auteur
Contributrice de Cleantech Republic, Colette Alcaraz est diplômée de l'Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS).

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