Le devoir d'inventaire des aides locales aux entreprises

Ni bon ni mauvais, juste "à bout de souffle". Telle était l'expression choisie par le Commissariat général du Plan (*) dans un rapport de 2003 pour qualifier le système français d'aides publiques aux entreprises. Issu de trois décennies d'empilement, ce système comporte plusieurs centaines de dispositifs de subventions ou d'exonérations transitant par des dizaines de structures différentes. Les aides d'État représenteraient plus de 1 % du PIB (19 milliards d'euros en 2006) et celles des collectivités, à peu près autant. Mesuré dans le ton, le rapport du Plan était accablant pour ces dernières. "À leur échelon, écrivaient les auteurs, aucun document de synthèse ne retrace le montant des aides de type fiscal ou parafiscal : les décideurs locaux n'ont ainsi aucune connaissance de leurs incidences sur le développement."Une nouvelle enquête. Rien ne permet de penser que la situation se soit améliorée ces deux dernières années. Ainsi, en septembre 2005, aucune collectivité n'était en mesure de dire quelles aides avait touchées ou non Hewlett-Packard en Isère. Seule l'entreprise en cours de restructuration le savait. Et... elle a facilement contré la demande de remboursement de Matignon d'aides inexistantes à l'emploi.Interpellé par l'incident, le Premier ministre a alors demandé au Conseil d'orientation pour l'emploi (COE) une nouvelle enquête sur le sujet. Sous la houlette de Raymond Soubie, les rapporteurs ont recensé 2.550 dispositifs ! Sans surprise, ils préconisent une rationalisation et un travail systématique d'évaluation. Lundi dernier, Dominique de Villepin a annoncé "qu'une mission des corps d'inspection" serait lancée "prochainement" pour "recenser avant le 1er septembre les différentes aides publiques existantes, y compris celles attribuées par les collectivités locales".Quelques collectivités ont pris une longueur d'avance, à l'instar du Nord-Pas-de-Calais. La tâche n'est pas simple. Conformément à l'acte II de la décentralisation (loi du 27 février 2002), les conseils régionaux sont censés être les chefs de file et les coordinateurs de l'action économique. En principe, celle-ci ne figure même pas dans les compétences des départements. En pratique, tous les conseils généraux sans exception y consacrent des fonds pouvant représenter 5 % de leur budget. Les communes, quant à elles, sont très actives en matière d'immobilier et de foncier à tarifs préférentiels, avec parfois des excès dénoncés en 1996 par la Cour des comptes. Mais sauf exception (comme la région et les quatre départements de Bretagne), rares sont les collectivités qui ont l'habitude de consulter les autres échelons institutionnels avant d'attribuer des fonds. Et encore plus rares sont celles qui prévoient d'emblée des mesures d'évaluation de l'efficacité des aides.Tentatives de rationalisation. Le travail serait pourtant bien utile. Les nombreux travaux réalisés sur ce sujet depuis dix ans montrent que la multiplicité des dispositifs va de pair avec une consommation laborieuse des crédits, tout particulièrement pour les fonds structurels et ceux de la politique de la ville. Trop nombreuses, les aides seraient en définitive mal connues de leurs bénéficiaires éventuels. Une étude de l'Insee en 1998 montrait ainsi que 10 % seulement des créateurs d'entreprise avaient effectivement été aidés malgré l'existence de plus de 120 subventions ou exonérations possibles.Le système a résisté jusqu'à présent à plusieurs tentatives de rationalisation. Créée en 2002, la Commission nationale des aides publiques aux entreprises a été dissoute par les parlementaires début 2003, alors qu'elle avait à peine entamé ses travaux...Erwan Seznec(*) Rebaptisé entre-temps Centre d'analyse stratégique.© à suivre la semaine prochaine : Le contrôle et le suivi des aides.
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