Le marathon d'EDF pour arracher Constellation

Une course contre la montre. Une fois surmontée l'intense contrariété de se voir souffler en vingt-quatre heures mi-septembre son partenaire Constellation par Warren Buffett, la direction d'EDF n'a pas tardé à voir la faille. Pour devenir définitif, le rachat de l'électricien américain sur lequel EDF avait jeté son dévolu pour constituer sa tête de pont dans la relance du nucléaire aux États-Unis devait être approuvé par l'assemblée générale des actionnaires le 23 décembre. « D'ici là, rien n'était jou頻, souligne un des protagonistes de la bataille qu'a menée discrètement pendant trois mois EDF de part et d'autre de l'Atlantique.Avec cette date du 23 décembre en ligne de mire, une équipe pluridisciplinaire se met en place. Sept jours sur sept, de 15 à 16 heures, des membres des directions juridique et financière parisiennes affûtaient leurs armes lors d'une conférence téléphonique avec leurs avocats de chez Skadden Arps à Washington et à New York et leurs banquiers conseils de chez JP Morgan. « En cas d'urgence, la réunion était avancée à midi, heure de Paris, mais on préférait éviter car cela mettait les Américains de mauvaise humeur », se souvient un participant. Tous les scénarios ont été passés au crible. « Une contre-OPA était envisageable puisqu'on savait que Warren Buffett s'est donné pour principe de ne jamais surenchérir », précise ce proche du dossier. D'autant plus envisageable que, profitant de la panique liée à la défaillance de Lehman Brothers, contrepartie de Constellation dans ses activités de trading, le milliardaire américain a réussi à mettre la main sur l'électricien pour 26,50 dollars par action. Pour une bouchée de pain car Constellation en valait 90 dollars un an avant. Infligeant au passage une sévère moins-value à EDF qui avait acquis 9,51 % du capital de Constellation à un cours moyen d'environ 65 dollars.déterminationMais le groupe français ne se lance pas dans une bataille boursière, un groupe étranger ne pouvant détenir plus de 50 % d'un opérateur nucléaire aux États-Unis. Cela ne l'empêche pas de tenter une surenchère en proposant, dès le lendemain de l'accord entre Warren Buffett et Constellation, une offre à 35 dollars l'action, en s'alliant pour l'occasion aux fonds d'investissement KKR et TPG. Le conseil d'administration de Constellation ne prend pas la peine de répondre. « Le spectre de la faillite avait plongé les dirigeants en plein désarroi. Ils avaient un accord signé avec Warren Buffett, une véritable icône aux États-Unis. Ils n'ont pas voulu lâcher la proie pour l'ombre », commente un proche du dossier. Déstabilisés à leur tour par la crise financière, ses partenaires KKR et TPG jettent l'éponge.Pas de quoi décourager Pierre Gadonneix, le président d'EDF, qui répète à ses troupes sa devise de joueur de tennis, « on court sur la balle tant qu'elle n'a pas touché terre une deuxième fois ». L'électricien tricolore continue à chercher d'autres associés financiers ou industriels afin de partager les risques et surtout de contourner la réglementation sur la détention des centrales nucléaires. En vain. La crise commence même à faire douter de l'imminence de la relance du nucléaire aux États-Unis, perspective encore assombrie par l'élection de Barack Obama, donné peu favorable à l'atome. Seul encouragement pour Pierre Gadonneix?: le mécontentement de plusieurs grands actionnaires institutionnels de Constellation, qui ne digèrent pas le prix auquel Warren Buffett a emporté l'affaire.Ultime complication, le milliardaire américain a réussi à imposer au conseil d'administration de Constellation l'interdiction de dialoguer avec les partisans d'une offre concurrente à la sienne. Le 3 décembre, les séances quotidiennes de brainstorming téléphonique finissent par porter leurs fruits. L'électricien français transmet une ultime proposition, portant sur l'acquisition de 50 % des actifs nucléaires de Constellation, pour 4,5 milliards de dollars. « Faute de pouvoir parler aux administrateurs, nous avons transmis un contrat de 500 pages, pratiquement finalis頻, précise un négociateur. Ce dernier a pu invoquer l'intérêt supérieur des actionnaires pour entamer les discussions le 8 décembre. « Nous avions prévu trois semaines de négociations, après l'annulation de l'assemblée générale. Constellation a exigé de négocier avant le 23 décembre », indique ce protagoniste.peu de points de désaccordBilan?: huit jours de négociations intensives. Les avocats des deux sociétés ayant des bureaux sur New York Avenue, à Washington, les délégations, composées de 6 personnes côté EDF et de 8 membres du management de Constellation, traversaient cette avenue plusieurs fois par jour. « Les documents de départ étant très complets, nous n'avions qu'une trentaine de points de désaccord au début », affirme ce membre de l'équipe. Dès le jeudi 11 décembre, EDF présente son offre au conseil d'administration de l'américain. Celui-ci l'approuve officiellement le lundi 15 décembre. Entre-temps, EDF a dû rajouter une ligne de crédit immédiate de 600 millions de dollars. L'accord est entièrement bouclé mercredi 17 décembre. La course-poursuite s'achève. Pierre Gadonneix va maintenant avoir le temps d'expliquer comment la volonté de participer à la relance du nucléaire aux États-Unis l'a amené à acquérir cinq réacteurs de 20 à 35 ans d'âge.
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