Robert Louis-Dreyfus, décès d'un homme d'affaires iconoclaste

DisparitionHéritier d'une famille de négociants en céréales et d'armateurs, l'homme d'affaires Robert Louis-Dreyfus (RLD) s'est éteint samedi des suites d'une leucémie qu'il a combattue pendant de nombreuses années. Ce père de trois enfants, à la tête d'une fortune personnelle estimée à 1,15 milliard d'euros, a été un entrepreneur atypique. Mais le grand public retiendra surtout le seul véritable échec de sa carrière, celui de l'Olympique de Marseille.Sorti de l'école sans le bac, mais avec plusieurs centaines de milliers de francs gagnés au poker, le fils de famille Robert Louis-Dreyfus est initié aux affaires à Londres par le célèbre banquier Siegmund Warburg, inventeur de l'OPA hostile. Le cancre réussit ensuite à entrer à Harvard en décrivant son expérience dans un kibboutz comme un projet personnel et décroche son MBA. Diplôme en poche, « RLD » fait ensuite un passage dans le groupe familial mais s'y ennuie ferme. « Cet héritier qui n'aime pas les héritiers », selon l'ancien président de l'OM Christophe Bouchet, est bien décidé à échapper à son destin et à tracer seul sa voie.En 1982, il commence une vie de redresseur d'entreprises avec IMS, spécialisée dans les études pour le secteur pharmaceutique. Un succès suivi en 1989 de la reprise de Saatchi & Saatchi (publicité), puis en 1993, d'Adidas cédé par Bernard Tapie. Ce passionné de sport, qui fuit les mondanités, investit en 1996 dans l'Olympique de Marseille. L'homme, habitué à cultiver la discrétion ? « ce qui est frappant avec Robert Louis-Dreyfus, c'est que beaucoup de gens l'ont approché, mais peu le connaissaient » dit de lui son dauphin, Jacques Veyrat ? se retrouve dans l'?il du double cyclone, marseillais et médiatique. Il engloutit dans le club plus de 200 millions d'euros en douze ans, sans résultats probants. En 2007, il écope de dix mois de prison avec sursis et d'une amende de 200.000 euros pour des transferts illicites. Affecté par ce jugement, Robert Louis-Dreyfus tente alors, en vain, de vendre l'OM. Quelques jours avant sa mort, le feuilleton de l'OM connaîtra un dernier hoquet : son président, Pape Diouf, est limogé, malgré une deuxième place en championnat, et remplacé par le directeur de l'information de TF1, Jean-Claude Dassier.succession bien organiséeC'est au sein du groupe familial que Robert Louis-Dreyfus réalise l'un de ses plus beaux coups et identifie son fils spirituel, Jacques Veyrat. Avec un investissement initial de quelques millions d'euros, LDCom, futur Neuf Cegetel, commence en 1998 à tirer sous l'eau des câbles pour les opérateurs téléphoniques qui veulent répondre aux besoins croissants de transmission de données. L'éclatement de la bulle Internet balaye les acteurs de l'industrie, que LDCom rachète à tour de bras. À force d'acquisitions ? dernière en date, celle de Club Internet en 2007 ? l'ex-LDCom devient le numéro deux français de l'ADSL et s'introduit en Bourse fin 2006. SFR, premier actionnaire de l'entreprise mais qui ne contrôle pas son conseil d'administration, rachète en décembre 2007, juste avant que les marchés s'effondrent, les 29,5 % de Groupe Louis Dreyfus dans une opération qui valorise Neuf Cegetel à 7,7 milliards d'euros.Cette même année, Robert Louis-Dreyfus devient majoritaire au sein du groupe familial Louis Dreyfus, dont il a pris les commandes en 2006, « par devoir ». « J'ai peut-être fait la plus grosse bêtise de ma vie, mais je ne pouvais pas faire autrement », disait-il pour expliquer l'opération. Un montage juridique (avec des trustee) est mis en place pour garantir la pérennité du contrôle familial après sa disparition. Pour la première fois de l'histoire centenaire du groupe, un seul membre de la famille détient la majorité des parts de ce mastodonte, qui a enregistré un chiffre d'affaires de plus de 60 milliards d'euros en 2008. La succession de RLD a été parfaitement organisée, que ce soit sur le groupe Louis Dreyfus (35.000 salariés dans la transformation et le trading de matières premières alimentaires), ou pour ses très nombreux autres actifs, dont vont hériter sa femme et ses trois enfants. « Robert Louis-Dreyfus a eu le temps de voir venir sa disparition et de penser très précisément à la façon dont il souhaitait organiser la gestion de ses actifs personnels », souligne Jacques Veyrat, premier patron du groupe à n'être pas issu des rangs de la famille. Quant à l'OM, le décès de RLD ne devrait pas manquer de relancer les spéculations sur l'avenir du club.
Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.