Le « Che » à hauteur d'homme

Il est toujours difficile de s'attaquer à un mythe, surtout celui là? Le risque, pour le réalisateur étant soit de sombrer dans l'hagiographie la plus confondante, soit, au contraire, de ne présenter que la face noire du personnage dépeint. Avec son « Che », Steven Soderbergh échappe à cette alternative en mettant une immense distance entre lui et le sujet traité. C'est à la fois la qualité et le défaut de son ?uvre monumentale consacrée à Ernesto Guevara  ? le film sort sur écran en deux parties de plus de deux heures chacune. Soderbergh présente simplement un homme face à ses choix et ses convictions, sans jamais dresser un quelconque portrait psychologique du personnage. Scrupuleux, le réalisateur à mener des recherches pendant des années. Il a veillé à rencontrer les contemporains du « Che ». De ce côté là, il n'y a pas de mauvais procès à faire. Quant à Benicio Del Toro, il campe un impeccable Guevara. Il a même reçu le prix d'interprétation masculine à Cannes pour ce rôle. Le premier chapitre ? sous-titré « l'Argentin » ? qui sort aujourd'hui sur les écrans (il faudra attendre le 28 janvier pour voir la suite), nous emmène dans la Sierra Maestra cubaine en 1958 pour suivre l'épopée des « barbudos » rassemblés autour de Fidel Castro qui, un an plus tard, en janvier 1959, entreront triomphalement à La Havane après la fuite du dictateur Fulgencio Batista. Soderbergh nous montre un Guevara modeste, plus médecin (sa formation) que guérilléro s'illustrant au combat. Il est plutôt à l'arrière à s'occuper des blessés et à se soucier de l'éducation des soldats et des paysans. Castro va progressivement accorder davantage de pouvoirs militaires au « Che » qui va s'affirmer comme meneur d'hommes. Certes, Guevara campe le personnage central de l'histoire. Mais Soderbergh s'attache à montrer qu'il n'est qu'un chef « barbudos » parmi d'autres. À la limite, son film narre davantage l'épopée castriste que le destin personnel du « Che ». La distance toujours. seul... mais si fidèleLa réalisation est plutôt lente et manque même d'intensité. C'est seulement quand éclate la bataille décisive de Santa Clara que le côté épique reprend le dessus : le « Che » s'illustre dans ce combat et, parallèlement, le film reprend des couleurs. Trouvaille du réalisateur, régulièrement, le récit du film est interrompu, pour laisser place à un vrai-faux documentaire (en noir et blanc) sur Che Guevara à New York en 1964, venu prononcer devant l'Assemblé générale de l'ONU son fameux discours resté dans les annales. En revanche, dans le second chapitre (dénommé « Guerilla »), l'image se resserre sur Guevara, les autres protagonistes passant au second plan. Soderbergh nous montre un homme seul, multipliant les erreurs et les mauvais choix mais resté fidèle à son idéal : lutter contre l'impérialisme américain. Ce sera un gigantesque échec. Nous sommes en 1966, le « Che » a quitté Cuba et son poste de ministre de l'économie du nouveau régime pour poursuivre ailleurs sa guérilla. Dans quelques mois il sera assassiné par l'armée bolivienne ? encadrée par la CIA ? après être tombé dans une embuscade. L'homme est mort, le mythe est né.
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