Climat : le réchauffement sonne le glas

Soyez forts dans la foi ». Ces quelques mots du père Jozef Zawistkowski, au sanctuaire marial de Jasna Gora, capitale spirituelle de la Pologne, auront momentanément donné espoir à des milliers de mineurs résignés. En costume d'apparat, écharpes bicolores, médailles et chapeaux plumés, portrait de la Vierge Marie au fond, ils vénéraient jeudi sainte Barbara, leur patronne. Comme chaque année, le 4 décembre, orchestres et chorales sonnaient en Silésie la gloire des mineurs après la messe. Et comme chaque année, ils défilaient ce jour-là, leur jour à eux, fiers et nostalgiques d'un passé glorieux. Histoire de se rappeler les temps où, choyés par le régime communiste et jalousés alors par une bonne partie de la population, les mineurs vivaient bien, formant une caste privilégiée. Bons d'achat, coupe-file, retraite après vingt-cinq ans et autres privilèges pour ceux que l'on appelait les « figures de proue du socialisme ». De quoi se faire respecter, voire même parfois détester. Et puis, la césure libérale et européenne est tombée.« Les temps ont changé, nous vivons dans un autre monde. Autrefois, nous gagnions beaucoup d'argent, nous étions respectés. Le charbon, c'était notre or polonais. Aujourd'hui, les mineurs et le charbon dérangent », explique Zdzislaw Boksa, chef du syndicat Solidarnosc des mines. Si le mineur gagne encore en moyenne quelque 1.500 euros, le double du salaire moyen polonais, son statut de héros stakhanoviste est mis aux oubliettes. Et l'Europe y est pour quelque chose, avec ses directives perçues par les mineurs comme une nouvelle dictature. Anxieux, Jozef Kowalczyk, syndicaliste à la mine de Ruda Slaska en Silésie (qui détient en Pologne le tragique record de 180 mineurs tués en un demi-siècle, dont 26 il y a deux ans), suit de près les négociations sur le projet de directive européenne Climat et Énergie, qui doit permettre à l'Union de réduire considérablement ses émissions de gaz à effet de serre dont le charbon est l'une des sources les plus importantes. « Pourvu qu'ils ne se mettent pas d'accord, sinon adieu les mineurs et adieu le métier », dit-il. Reste que la mort de ce métier, inéluctable au pays des mines, est proche. « On construit des autoroutes au-dessus des gisements de charbon. Et quant aux gisements, même si les investisseurs tchèques ou suédois s'y intéressent, nos politiques ne bougent pas d'un doigt pour les sauver », déclare Jozef Kowalczyk.suée quotidienne À la Sainte-Barbara, les 175.000 mineurs de Pologne ne veulent pas regarder en face ce nouveau monde dit écologique qui ne les attend pas. « Encore dix ans, pas plus », s'exclame Jan, 35 ans, qui depuis 17 ans descend creuser dans un puits profond de 1.030 mètres. Ce jeune mineur espère encore travailler huit ans pour pouvoir toucher sa retraite. Une retraite bien méritée, selon les uns, suée quotidienne à un kilomètre de profondeur et par 28 °C de température pour extraire chaque jour 24.000 tonnes de minerai noir dans la mine de Ruda Slaska. Pour les autres, il n'est qu'un vestige du passé, une « gueule noire » en duel avec l'ogre bruxellois qui lui dit « assez », avec, en écho, les limites sévères de CO2 et les énergies renouvelables qui se profilent.Pour les mineurs polonais, la conférence de l'ONU sur le climat à Poznan sonne le glas d'un métier mythique. Parti fin novembre à Bruxelles, Jozef Kowakczyk emmènera à nouveau ce 15 décembre plus de 2.000 mineurs. « Nous espérons que les bureaucrates bruxellois prendront conscience d'un fait. La Silésie, capitale mondiale du charbon, fait vivre des dizaines de milliers de gueules noires », conclut-il.
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