6 h 66

Quand l'entreprise s'est mise à débloquer, votre corps, lui, s'est déglingué. Tout a commencé en août avec la crise. Un contrat perdu, puis deux et il a fallu resserrer les rangs. Vous vous sentez soudain périssable. Toujours est devenu peut-être, peut-être bientôt rien et votre bureau moins accueillant. Les sourires se sont crispés avant de s'évanouir, votre motivation a chaviré. Les CDD n'ont pas été renouvelés, vos collègues sont devenus des concurrents et là, franchement, l'ambiance s'est dégradée. Vous avez remonté vos manches pour gagner d'autres contrats. Vous avez beau y croire et vous démener comme un beau diable, pas de signature en vue. Vous avez redoublé d'efforts, vous bossez jusqu'à point d'heure pour ne pas penser à la fragilité de votre poste.Quand votre chef de service a jeté l'éponge et qu'on l'a remercié, vous avez paniqué, sans rien laisser paraître. Vous êtes en première ligne, vous avez assumé son boulot et lutté désespérément contre la pression toujours plus forte. L'entreprise vous aspire, vous avez du mal à résister, à respirer. Les autres ont commencé à tomber comme des mouches : sciatique, grippe, gastro, angine? Ils ne mouraient pas tous mais tous étaient frappés. Vous vous demandez par quel miracle vous êtes encore debout mais votre corps a craqué. Ça a commencé par une légère dorsalgie. Vous avez mis cette douleur sur le compte de votre chaise que vous avez toujours trouvée très inconfortable. Puis vous vous êtes réveillé la nuit, à 3 h 33, à 4 h 44, à 5 h 55. Et si votre réveil aussi perdait les pédales et affichait 6 h 66, et si l'enfer du boulot virait à l'apocalypse?le stress triompheVous êtes dans un drôle d'état. Votre corps déraille. Douloureux mais sans fièvre. Il prend le contrôle de votre cerveau. Il est présent, trop présent. Un mot de travers et il s'écroule. Une boule chevillée au corps va vous tenir chaud et froid toute la journée.Les journées passent et le stress triomphe. Il ricane en vous envahissant. La pierre que vous avez au fond de l'estomac remonte dans votre gorge, se pointe dans votre épaule, descend le long de la jambe. Un matin, où vous n'arrivez pas à vous lever, vous prenez conscience qu'une journée de plus serait une journée de trop. Vous posez quinze jours de vacances pour vous refaire une santé. Vous en aurez bien besoin. La veille de prendre congé, comme vous n'avez pas encore craqué, on vous bombarde chef du service. À croire que vous faites encore assez bonne figure. n
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