Le naufrage de la livre sterling

La livre sterling n'a pas failli à sa réputation de grande monnaie la plus volatile du monde en 2008. Ridiculement surévaluée au début du millésime qu'elle avait attaqué en valant deux fois plus que le dollar, la voilà maintenant qui menace de chuter à parité avec l'euro. Tombée à un plancher de six ans face au dollar, à moins de 1,45, la monnaie d'Albion a pulvérisé au cours des dernières semaines une série impressionnante de records de faiblesse vis-à-vis de l'euro, qui l'ont fait dériver jusqu'à 0,9555. Quant à son indice pondéré face aux monnaies des principaux partenaires commerciaux de la Grande-Bretagne, il a touché un plancher absolu vendredi à 76,3, ce qui démontre l'universalité du naufrage de la livre.Comble de l'humiliation pour un pays qui avait rejeté avec quelque arrogance l'euro : si la descente aux enfers du sterling se poursuit au rythme actuel, le niveau de 1 livre pour 1 euro sera atteint dans les premiers jours de 2009. Déjà, la semaine dernière, la monnaie de Sa Majesté a brisé un tabou : elle a crevé son plancher théorique par rapport au désormais théorique deutsche mark, en cassant le seuil de 2,05, en dessous duquel elle n'avait jamais reflué. L'image utilisée par un éditorialiste du « Financial Times » dans son édition du week-end est édifiante : « La chute du sterling, c'est agréable comme de dévaler une pente à skis, jusqu'à ce que l'on découvre le précipice en bout de piste. »montagnes russes Assortie de rendements inférieurs à ceux de l'euro depuis novembre, pour la première fois depuis la naissance de la monnaie unique, la livre, telle un bateau ivre, semble donc condamnée à continuer à sombrer. D'autant que la Banque d'Angleterre est tentée, comme la Réserve fédérale américaine qui vient de la mettre en pratique, par la politique de taux zéro.L'histoire peut servir de repère et elle nous entraîne dans de vertigineuses montagnes russes. La livre entame l'ère des changes flottants, dans les années qui suivirent la rupture de la convertibilité du dollar en or en août 1971, à un record de vigueur : elle vaut alors 2,60 dollars, un cours que l'on ne reverra jamais. Une période maudite s'ouvre ensuite qui, en 1976, conduira le gouvernement travailliste de l'époque à implorer l'aide du FMI. L'ex-première puissance économique mondiale se retrouve le dos au mur jusqu'à la montée en régime de l'exploitation du pétrole de la mer du Nord. En 1980, la livre, baromètre de la fierté nationale, remonte à 2,40 dollars. C'était sans compter sur une certaine Dame de fer. à la dérive depuis fin 2006Margaret Thatcher se voit infliger une grève des mineurs qui se transformera en partie de bras de fer avec le 10 Downing Street. En 1985, la livre vient affleurer la parité avec le dollar. Cinq ans plus tard, Thatcher la fera entrer au forceps dans le mécanisme de change du SME, pour deux ans seulement. Un certain mercredi noir de septembre 1992, elle sera boutée sans ménagement hors du SME, incapable de résister aux attaques lancées par le financier américano-hongrois George Soros. Lorsque l'euro se met en place, sans elle, en 1999, elle commencera par se raffermir pendant près de deux ans, avant de se stabiliser, puis d'entamer une dérive ininterrompue à partir de la fin 2006. Isabelle Croizard
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