La gestion alternative à un tournant

Après une année 2008 catastrophique qui a vu les encours chuter de 470 milliards de dollars à 1.400 milliards de dollars, la fermeture d'un peu moins de 1.000 fonds à 9.176 produits, une perte moyenne des fonds de ? 18,75 %, la nouvelle année semble mieux démarrer pour l'industrie des hedge funds.« En janvier, il y a eu en moyenne un écart d'environ 10 % en faveur de l'alternatif, ce qui ne s'est jamais vu, constate Guido Bolliger, codirecteur des investissements chez Olympia Capital Management. Certaines stratégies comme l'arbitrage de convertible ont bien performé après, il est vrai, une année 2008 très difficile. » La décorrélation a donc fonctionné et cela pourrait se poursuivre dans les mois à venir. En revanche, les sorties de capitaux continuent avec 74 milliards de dollars de rachats en janvier selon Trim Tabs (lire entretien).Même s'il est de nouveau possible de sortir de certains fonds, beaucoup d'ordres sont restés en attente du fait du mécanisme des gates, des side pockets ou de la suspension de valeurs liquidatives. « Il faudra au moins six mois avant que l'essentiel des ordres ne sorte de l'actuel goulot d'étranglement », déclare Sophie Van Straelen, directrice générale d'Asterias dans sa lettre trimestrielle « Info Hedge ». recrutement d'équipesLes encours vont donc encore baisser. Avec pour conséquence la poursuite de la disparition de fonds et d'acteurs notamment de petite taille qui draguent de grosses maisons pour négocier une reprise ou le recrutement d'équipes arrivant avec leurs fonds. La baisse des encours a entraîné celle des revenus des gérants basés sur des frais de gestion proportionnels aux actifs et de surperformance. Pour retoucher des commissions de surperformance, le fonds doit dépasser sa meilleure valorisation, ce que les professionnels appellent le « high water mark ». Pour y arriver, de gros risques pourraient être pris. Ces gérants sont sous surveillance et ce comportement pervers constitue pour des fonds de hedge funds un signal de vente. La consolidation du secteur est inévitable, faisant la part belle aux gros acteurs performants. Deux profils d'investisseurs vont aussi émerger. « D'un côté, ceux demandant des produits liquides avec comme contrepartie une performance moindre car la prime de liquidité se paie, indique Guido Bolliger. De l'autre, ceux voulant des produits moins liquides, acceptant d'être bloqués plusieurs mois, mais avec un retour sur investissement important. » L'offre de produits sera donc différenciée avec un discours marketing mieux adapté, à savoir ne plus dire que la gestion alternative est systématiquement décorrélée des marchés traditionnels. Par ailleurs, l'affaire Madoff a mis en lumière de nombreux dysfonctionnements et spécifiquement dans les fonds de fonds de hedge. Si leur existence et utilité ne sont pas remises en cause, de nombreux produits ont failli au niveau de leur due diligence faisant preuve de laxisme, copinage ou de mimétisme.Mutation naturelleL'industrie des hedge funds subira une mutation naturelle impulsée par les acteurs eux-mêmes en raison d'un environnement de marché dégradé, les responsables politiques des deux côtés de l'Atlantique comptent bien y prendre part. Ce sera effectivement le cas à l'occasion du G20 du 2 avril 2009 organisé à Londres où la réglementation des hedge funds sera au programme des discussions. D'ailleurs, la Commission européenne a lancé une consultation publique sur les hedge funds terminée le 31 janvier dernier afin d'arriver au G20 avec des éléments de réponse, des propositions aux problèmes rencontrés par cette industrie. Si les professionnels de l'alternatif ne voient pas forcément d'un bon ?il cet interventionnisme, ils admettent qu'une réforme du système financier sur la façon de limiter le risque, l'effet de levier, sur le rôle des chambres de compensation, des dépositaires, des prime brokers et des conditions de financement est nécessaire au regard des deux dernières années. Les gérants de hedge funds et de fonds de hedge funds aiment à rappeler que c'est le système bancaire qui est à l'origine de la crise actuelle. réforme globalePar conséquent, cette réforme doit être globale et non pas uniquement focalisée sur les hedge funds. D'autant que l'industrie est déjà encadrée. En effet, pour exercer en France et en Angleterre, les sociétés de gestion doivent être agréées par le régulateur. Ce qui n'est pas obligatoire aux États-Unis où 55 % des gérants, soient 71 % des encours basés outre-Atlantique, le sont. Le plus difficile, au fond, n'est pas la régulation des sociétés de gestion mais celle des véhicules d'investissement. Trop de disparités existent encore entre les produits offshore et onshore. Sur ce point, cela risque d'être un peu plus compliqué.
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