Le premier intermédiaire français se donne la mort

Le scandale a tourné au drame. Thierry Magon de La Villehuchet, 65 ans, cofondateur d'Access International Advisors avec Patrick Littaye, société qui a levé des fonds en Europe pour les investir chez Bernard Madoff, n'a pas résisté à la pression qui a suivi l'éclatement du scandale. Il s'est donné la mort hier matin dans son bureau de New York. « Depuis une semaine, raconte un de ses proches, il cherchait nuit et jour le moyen de récupérer la mise de ses investisseurs, en menant une action aux États-Unis contre des responsables américains. Il n'a pas supporté la course à la recherche des responsabilités à laquelle se sont livrés les Européens. C'est la sortie de quelqu'un qui n'avait rien à se reprocher. Il n'a eu de cesse de faire de la performance pour les autres, avec toutes les diligences nécessaires à son métier. La vérité est que tout le monde voulait investir chez Madoff, considéré par tous comme du AAA, c'est-à-dire la sécurité absolue. »réussir à wall streetInstallé à New York depuis l'arrivée des socialistes au pouvoir en France en 1981, Thierry de La Villehuchet y avait ouvert, à la fin des années 1980, le bureau du Crédit Lyonnais Securities. C'est même lui qui présenta Leon Black au patron d'Altus, Jean-François Hénin, présentation qui aboutit au rachat en 1991 des junk bonds d'Executive Life par Altus. Au fil des ans, il se construit un fonds de commerce : intermédiaire avisé entre le continent américain et l'Europe. Et une image : le Français qui a réussi à Wall Street. Doté d'un fantastique carnet d'adresses de gens fortunés grâce à son entregent personnel et sa chaleur humaine, régatier hors pair à Larchmont, la banlieue française de New York, ce descendant de corsaire breton était devenu une vraie personnalité new-yorkaise. Ce qui lui avait permis de monter en 2003 sa structure de conseil en investissement, Access International Advisors, sur Madison Avenue, au coin de la 53e Rue. Et ce, avec le Français Patrick Littaye qui connaissait personnellement, et depuis fort longtemps Bernard Madoff. Haut en couleur, cabotin mais distingué, vendeur dans l'âme, très à l'aise dans le grand monde, il fonctionnait avant tout sur la confiance. « Avec un brin de naïveté et d'improvisation dans l'organisation », reconnaît un de ses anciens collègues.Récemment encore, il confiait à un proche avoir toute confiance dans la gestion de Bernard Madoff, « le seul qui s'en sortait bien en ce moment » : il avait personnellement contribué à propager la réputation de l'Américain comme génie des marchés, et avait investi dans sa société l'essentiel de son patrimoine personnel et familial.Après l'arrestation de Bernard Madoff, sa situation était devenue intenable, alors que UBS, son grand partenaire dans le fonds Lux Alpha, avait transféré chez lui la gestion du fonds dont les encours s'élevaient à 1,4 milliard de dollars à la mi-novembre. Cette charge, soudain devenue très lourde pour un angoissé de nature, l'a conduit à un état d'épuisement psychique alors qu'il venait de passer dix heures avec son avocat pour trouver une issue. Hier, ses associés ne savaient s'il avait laissé une lettre pour justifier son geste. « Un geste de désespoir, alors qu'il avait tout perdu », confie un de ses associés à New York. Comment survivre à une telle infamie dans un monde où la réputation fait tout ? Valérie Segond et Laurence Boisseau
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