Sabine Weiss, les hommes à c ? ur

Paris, extérieur jour. Une allée bordée d'arbres, de pavés luisants. Un homme ? à moins qu'il s'agisse d'une femme ? court vers la lumière vertigineuse et hypnotique qui se fraie un chemin parmi les branches. Comme pour l'attraper. Ou se donner à elle.Réalisé par Sabine Weiss en 1953, présenté en exergue de l'exposition qui lui est consacrée à la Maison européenne de la photographie à Paris, ce tirage en noir et blanc s'impose comme une véritable profession de foi. Celle d'un petit bout de femme volontaire, aujourd'hui âgée de 84 ans, débordant de tendresse et d'empathie pour ses semblables qu'elle n'a cessé de raconter depuis ses plus jeunes années. Jusqu'à s'imposer comme l'une des figures importantes de la photographie humaniste. Avec un style bien à elle, moins cabot que celui de Doisneau, plus instinctif que celui de Ronis.La centaine de tirages d'époque ici rassemblés ne disent pas autre chose. Tous sont portés par un accrochage d'une rare intelligence. Car chacune des images répond à la suivante dans un subtil alliage des formes et des thèmes. Ainsi, cette photo d'un homme solitaire allumant sa cigarette dans la brume, précède celle d'une vue nocturne de Paris réalisée elle aussi dans les Fifties, à peine éclairée d'un réverbère. Et toutes deux de dévoiler une maîtrise extraordinaire, quasi picturale, des gris et de l'estompe.C'est en 1946 que Sabine Weiss a débarqué à Paris de sa Suisse natale. Elle commence par assister Willy Maywald, photographe de mode et portraitiste mondain. Avant de voler de ses propres ailes en collaborant aux plus grands magazines de la planète. À l'instar de « Life » pour la couverture duquel elle immortalise Yves Saint Laurent entouré de son équipe. Elle réalise également un reportage dans l'atelier de Giacometti pour « Paris Match ». Et signe aussi quelques pubs pour du cognac ou des chaussures de marque.lumière naturelleMais très vite, la jeune femme comprend qu'elle est plus sensible à la lumière naturelle qu'à celle des studios. Le monde devient dès lors son espace de travail. Non pas pour en couvrir les guerres et autres soubresauts sanglants, mais pour raconter la manière dont vivent les hommes. Elle donne aux plus miséreux l'aura et la dignité des princes. Comme ces clochards qu'elle photographie sans misérabilisme aucun sur les bancs de Paris. Il y a aussi les amoureux qui se bécotent, auxquels elle voue une tendresse particulière. Mais ce sont surtout les enfants qu'elle parvient à saisir mieux que personne. Car Sabine Weiss a cette capacité rare de pénétrer ce territoire invisible et imaginaire que les marmots parviennent à se construire dans les décombres miteux de l'après-guerre. Sous son objectif, le terrain vague du quai de Javel se transforme en dune du Pyla. Et la porte de Vanves devient une piste de cirque où les chevaux viennent faire leur numéro.La photographe saisit l'essentiel, la grâce d'une petite gitane, la raideur d'une famille allemande. Les changements qui frappent aussi les milieux populaires. Au fil des ans, les petits Parisiens désertent les rues de la capitale. La banlieue se couvre de pavillons dans lesquels on exile les vieux abandonnés à leur solitude. Sabine Weiss est là pour les accompagner. Toujours à leurs côtés. n« Sabine Weiss, un demi-siècle de photographie », Maison européenne de la photographie, 5-7, rue de Fourcy, 75004 Paris. Tél.?: 01.44.78.75.00. www.mep-fr.org. Jusqu'au 25 janvier.
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