Arditi

Il y a la femme, le mari et le futur amant. Dans « Faisons un rêve » de Sacha Guitry, aujourd'hui mis en scène par Bernard Murat au Théâtre Édouard-VII à Paris, l'auteur s'amuse avec le trio classique du boulevard. Il lui donne des ailes, le fait exploser, lui imprime une fantaisie qui le conduit vers une sorte de folie amoureuse. L'amant est là, charmeur, joli c?ur, qui s'époumone dans une cour assidue à la dame. Il ne veut qu'une chose, le futur amant, qu'elle lui dise oui ! Il a tout fait pour ça. Malin, roué, don Juan des beaux quartiers, il l'a convoquée chez lui avec son époux dans l'idée de la séduire. Les convenances d'abord. Mais l'époux a lui aussi une idée en tête, laisser là sa femme, pour rejoindre un rendez-vous galant, qu'il cache par un rendez-vous d'affaires. Maître des jeux de l'amour dont il sait délier le moindre émoi, le moindre abandon, Guitry s'en donne à c?ur joie. Et Bernard Murat aussi. Le dramaturge construit un piège dans lequel la belle est prête à se laisser prendre, bouche tendue. Corps à l'abandon. Âme par-dessus la jambe. le trouble de la certitudeCependant, elle hésite. Ce n'est pas qu'elle doute d'elle-même, elle sait qu'elle est déjà conquise. Mais cette certitude crée chez elle un trouble qui la fait hésiter. Surtout ne pas céder trop vite. Bien sûr, ce qui était prévu arrivera avec malentendus, colère feinte et mensonges. Car c'est bien une pièce sur le mensonge qu'offre Sacha Guitry. Mensonge qui est le plus court chemin, parfois sinueux, jalonné de chausse-trappes, pour mener à l'amour, qui peut être une impasse ou une voie royale.Jouer Guitry derrière Guitry n'est pas une mince affaire pour un comédien. Soit on lui reproche de l'imiter, soit d'en être trop éloigné. Pierre Arditi, qui reprend le rôle de l'amant, ne peut pas être soupçonné de flagornerie. Rayonnant d'une verve contagieuse, facétieux, prompt à la connivence jamais racoleuse, il enfile la robe de chambre de Sacha Guitry, ses mules et son pyjama, comme s'ils avaient été taillés à ses mesures. Il est là chez lui, s'emparant de ses mots avec une jouissance qui réjouit l'oreille. Trouvant d'emblée le rythme de la parole cher à Guitry. Clotilde Coureau, joliment habillée années 30, fait de la future maîtresse une volage toujours retenue par son éducation aristocratique. Quant à Martin Lamotte, le mari, « avé l'assent », son innocence de bon bougre fait merveille. Faisons un rêve ! Que beaucoup de spectacles comme celui-là nous donnent autant de bonheur.Octave de la chesnayeThéâtre Édouard-VII, 10, place Édouard-VII, 75009 Paris. Tél. : 01.47.42.59.92. ? Jusqu'au 3 janvier 2009.
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