Fragile équilibre

Anne, ma soeur, ne vois-tu rien venir ? Pas la croissance, en tout cas. Thierry Breton n'aura eu, finalement, que quelques mois d'éclaircie sur le front climatique de la machine économique française : aux bons chiffres du troisième trimestre 2005, qui avaient nourri tous les espoirs du ministre de l'Économie et, plus largement, de tous ceux qui attendent un redémarrage de l'économie, a succédé le coup de massue de la fin de l'année. Avec une progression du produit intérieur brut ramenée à seulement + 0,2 % au quatrième trimestre, autant dire presque rien. Du coup, la croissance en 2005 ne dépassera pas 1,4 %, c'est maigre, et c'est bien sûr très loin des premières hypothèses budgétaires construites sur la base d'une progression de 2,5 %, mais c'est aussi en deçà de la fourchette (de 1,5 % à 2 %) sur laquelle tablait depuis plusieurs mois Bercy. Il ne manquait plus, pour compléter ce tableau plutôt sombre, que les chiffres du déficit commercial français. Ils sont carrément calamiteux : 26,5 milliards de déficit, du jamais-vu. C'est trois fois plus qu'il y a un an. Alors, bien sûr, à la lecture des données publiées par l'Insee, les ministres concernés, dans leur rôle, n'ont pas voulu sacrifier au pessimisme. La croissance faible ? Pour Bercy, les chiffres ne sont que de premières estimations et l'arrêt de plusieurs lignes de production dans l'automobile en fin d'année a joué un rôle décisif. Le déficit commercial record ? La facture pétrolière explique presque tout, le reste étant dû à l'insatiable appétit de consommation des Français, qui achètent massivement des produits importés alors que nos exportations progressent... Soit. Mais il n'en demeure pas moins que la France, en 2005, a exporté deux fois moins que l'Allemagne. Et qu'elle doit se contenter de ramasser les miettes d'une croissance mondiale de 4,3 % l'an dernier, plus de trois fois supérieure à la nôtre... En réalité, ces chiffres illustrent un malaise profond : les entreprises françaises, faute de compétitivité suffisante, perdent des parts de marché face à leurs concurrentes, y compris européennes, là où la demande est forte, c'est-à-dire dans les pays émergents. Et la dynamique de la croissance française, si on peut dire, repose sur le seul moteur de la consommation. Un tel équilibre, dont les limites apparaissent cruellement avec ces chiffres de fin d'année, est plus que fragile.
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