André Rousselet prêt à arrêter l'aventure «InfoMatin»

J'ai toujours dit que la seule chose qui m'amènerait à mettre fin à l'aventure, c'est un défaut de confiance de la part de mes collaborateurs » : c'est en ces termes accusateurs et lapidaires qu'André Rousselet a confirmé hier soir à La Tribune sa décision de « suspendre ou d'arrêter » la parution d'InfoMatin, presque deux ans jour pour jour après son lancement le 10 janvier 1994. « J'ai convoqué un comité d'entreprise extraordinaire et le conseil d'administration de la Sodepresse vendredi pour annoncer ma décision. Suspension ou arrêt définitif du titre, tout le monde sera fixé à ce moment-là. En tout état de cause, InfoMatin ne paraîtra pas à compter du mardi 9 janvier », a précisé André Rousselet qui exclut un « dépôt de bilan ». Et d'ajouter : « Je cherche un repreneur. Si personne ne se présente, j'assumerai mes responsabilités financières en ce qui concerne les indemnités des salariés du titre. » Une sentence jugée irrévocable Actionnaire à 78 % du jeune quotidien qu'il avait repris en mars 1994 à ses fondateurs, l'ancien PDG de Canal Plus a signifié hier matin la sentence - jugée « irrévocable » par son entourage - à l'encadrement du journal. Lors de cette réunion houleuse, il aurait qualifié de « mauvais » et de « petits fonctionnaires » les journalistes d'InfoMatin, qui avaient unanimement rejeté la veille son projet de supprimer trois semaines de congés payés, sur les huit dont ils disposent comme tous les salariés des quotidiens parisiens. Geste d'humeur aux conséquences définitives, ou ultime coup de poker d'un patron intraitable et fin négociateur ? Un certain doute subsistait hier soir quant aux intentions réelles d'André Rousselet, certains salariés soupçonnant une opération de « lock-out » destinée à mater une rédaction rebelle. Le coup de grâce La situation financière et le niveau de ventes actuel d'InfoMatin ne plaident pas vraiment en faveur de cette hypothèse. Au mois de novembre, André Rousselet avait pour la première fois révélé l'ampleur des pertes du quotidien : « 60 millions de francs en 1995, après 85 millions en 1994 ». Un niveau de pertes intenable à court terme, car presque entièrement supporté par Copagest (son holding familial qui contrôle notamment les taxis G7) qui aurait perdu au total 160 millions de francs dans l'aventure. D'autant plus que l'impossible équation économique liée au concept particulier du jeune quotidien n'a jamais trouvé de solution. Vendu 3,80 francs, InfoMatin se devait d'atteindre les 120.000 exemplaires pour atteindre l'équilibre d'exploitation, compte tenu d'un coût de distribution dévorant 56 % de son prix de vente. Or, de 70.000 exemplaires au premier semestre 1995, la diffusion avait chuté à moins de 60.000 à la rentrée. La grève qui a paralysé les transports au mois de décembre a sans doute donné le coup de grâce à un quotidien essentiellement lu dans le train et le métro. Pourtant, André Rousselet semblait encore y croire début décembre, quand il a entrepris de renégocier le contrat d'impression du quotidien avec Le Monde Imprimerie. Le 22 décembre, il était même parvenu à un accord très avantageux pour InfoMatin puisque la direction du Monde consentait à imprimer son client à coût réel : de 12 millions de francs en 1995, la marge du Monde serait tombée à 2 millions cette année. Restait, selon André Rousselet, à ce que les 90 salariés (dont 50 cartes de presse) consentent à « un geste de solidarité économique minimum ». L'amorce de compromis qui semblait se dessiner mardi soir (six semaines de congés payés contre huit) est finalement restée lettre morte. Sauf revirement de dernière minute, l'avenir du titre passe désormais par un hypothétique repreneur. Hier soir, le nom d'Havas circulait à InfoMatin. Jean-Christophe Féraud
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