Mis en pause en février en réponse à la crise agricole, le plan de réduction des produits phytosanitaire, baptisé « Ecophyto », revient ce lundi 6 mai sur le devant de la scène. Le gouvernement va dévoiler sa nouvelle version - pour rappel, la première a été lancée en 2008 avec l'objectif jamais atteint de réduire de 50% l'usage des pesticides de synthèse. La nouvelle stratégie, que l'AFP a pu consulter, conserve cette ambition d'ici 2030, mais la période de référence est désormais la moyenne des années 2011-2013 (contre 2015-2017 auparavant).
D'après le texte, cette stratégie « acte un changement de méthode » : elle « fixe des objectifs de réduction des risques et des usages de produits phytopharmaceutiques », « tout en donnant à tous les agriculteurs les moyens de cette transition ».
Une stratégie qui divise déjà. Elle est notamment contestée par la FNSEA et la Coordination rurale, deux syndicats agricoles majoritaires, pour qui se priver des pesticides entraînerait une chute de la production et une destruction des filières, à rebours des impératifs de souveraineté alimentaire. Une ligne que ne partagent ni la Confédération paysanne, ni la filière bio. D'ailleurs dans ce cadre, 250 millions d'euros seront notamment dédiés à la recherche de solutions alternatives, comme les produits de biocontrôle, et à l'accompagnement des agriculteurs dans le changement de pratiques. Les ONG environnementales, de leur côté, estiment que cette nouvelle stratégie manque d'ambition.
Un nouvel indicateur décrié
La mesure-phare de ce plan Ecophyto sera, comme promis par le Premier ministre Gabriel Attal, le changement de l'instrument de mesure des usages : exit le Nodu, ce sera désormais le HRI1, l'indicateur européen de risque harmonisé, qui fera référence. Le Nodu, qui est calculé en hectares, divise les quantités de substances actives vendues par leur dose de référence. Le HRI1 est lui un indice obtenu en multipliant les volumes de substances actives vendues par des « coefficients » censés refléter la dangerosité des divers pesticides, et qui ne tient pas compte des doses d'application.
Selon les schémas présentés dans la nouvelle stratégie, le calcul du HRI1 fait déjà apparaître une diminution de près de 40% de l'usage des pesticides entre 2011 et 2024. Mais l'ONG environnementale Générations Futures dénonce la baisse « trompeuse » des pesticides affichée par le HRI1 : -32% entre 2011 et 2021 alors que le Nodu faisait, lui, apparaître une hausse de 3% sur la même période.
Le gouvernement défend ce changement au nom de la « cohérence » européenne. « Je ne dis pas que le HRI1 est parfait, mais il a le mérite d'exister », a expliqué la ministre déléguée à l'Agriculture Agnès Pannier-Runacher dans une interview à La Tribune Dimanche (édition de ce dimanche 5 mai), confirmant avoir « demandé à l'Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) de travailler avec ses homologues européens pour faire des propositions afin d'améliorer, le cas échéant, le HRI1 ». Le premier bilan sera fait « d'ici à la fin de l'année », a-t-elle indiqué.
Par ailleurs, la ministre a annoncé qu'elle allait « proposer un texte de loi début juillet sur les phytosanitaires » destiné notamment à supprimer l'obligation imposée aux agriculteurs de réaliser un « conseil stratégique » pour réfléchir à leurs pratiques en matière de produits phytosanitaires.
Des craintes sur la qualité de l'eau
Un autre sujet cristallise les inquiétudes : la pollution de l'eau potable. Fin 2023, une commission d'enquête parlementaire avertissait qu'en France, « sur au moins un tiers du territoire national, les pesticides et leurs métabolites (ndlr : composants issus de leur dégradation) constituent une menace majeure pour la ressource en eau potable ». Ainsi, entre 1980 et 2019, 4.300 captages d'eau potable ont été fermés pour cause de pollution, « principalement aux nitrates et aux pesticides », selon cette commission.
« On conçoit les problèmes des agriculteurs » mais « on a l'obligation de fournir une eau de qualité », a relevé auprès de l'AFP Bertrand Hauchecorne, de l'Association des maires de France (AMF).
Or, les collectivités territoriales, responsables de la distribution d'eau potable, ont de plus en plus de difficultés à remplir cette mission, selon Thierry Burlot, président du comité de bassin de l'agence de l'eau Loire-Bretagne. « Le problème des pesticides n'est pas derrière nous, mais devant nous », insiste-t-il. Des agences de l'eau, de la Normandie à la zone Rhône-Méditerranée-Corse, s'inquiètent en outre de la fermeture d'autres captages, alors même que la ressource en eau est menacée par le changement climatique.
Sur ce sujet, la nouvelle stratégie prévoit d'actualiser « la liste des captages prioritaires et sensibles », pour mieux surveiller les risques de pollution des eaux.
(Avec AFP)
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