Le tabou des statistiques ethniques partiellement levé

À trois jours du séminaire gouvernemental sur l'identité nationale, le débat sur les statistiques ethniques est relancé avec une certaine acuité. Dans son rapport remis vendredi à Yazid Sabeg, commissaire à l'Égalité des chances, François Héran, ancien directeur de l'Institut national des études démographiques (Ined) et président du Comité pour la mesure et l'évaluation de la diversité et des discriminations (Comedd), a prévenu : « Si on essaie de récupérer notre affaire en la politisant, en l'enrôlant dans un un camp, je protesterai énergiquement. »Très attendu, le rapport ? rédigé par ce comité de 27 personnalités qui n'ont pu dégager de consensus sur certains points ? préconise de s'en tenir à l'utilisation de données issues de l'état civil, comme le pays de naissance ou la nationalité, pour les statistiques publiques courantes, telles que les grandes enquêtes de l'Insee et le recensement, explique à l'AFP François Héran. La trajectoire des immigrésPour le recensement, il propose d'introduire des données d'état civil sur deux générations, c'est-à-dire le pays ou le département de naissance et la nationalité de l'intéressé et de ses parents. « C'est le seul moyen de pouvoir suivre la trajectoire des enfants d'immigrés, de voir ce qui leur arrive, quelles sont leurs destinées, leurs chances, leur exposition à la discrimination », estime-t-il. Pour autant, dans son rapport, le Comedd n'écarte pas totalement le recours à des critères ethno-raciaux, comme c'est déjà le cas pour des enquêtes ciblées par des chercheurs, mais avec un contrôle accru de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Il reprend donc de manière très marginale la suggestion de Yazid Sabeg d'un recueil de données « sur une base anonyme et volontaire »  permettant de déclarer « son sentiment d'appartenance à une minorit頻. « Dangereux tri ethno »Sitôt rendu public, le rapport a soulevé un flot de réactions. La CFDT se dit ainsi « satisfaite des préconisations du rapport, notamment de deux propositions qui impacteront les entreprises et les administrations publiques », à savoir l'institution d'un rapport de situation comparée annuel sur le modèle de ceux de l'égalité hommes-femmes, afin de mesurer les différences de traitements selon les origines, et la création d'un Observatoire des discriminations au sein de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde). Observatoire qui aurait la charge de faire un état des lieux de la discrimination en France. Critique, la CGT demande pour sa part que « la mesure des discriminations nécessaire à l'action publique et dans les entreprises ne conduise pas à une catégorisation ethnique de la population ». Enfin, Jean-François Amadieu, professeur à l'université Paris I Sorbonne et directeur de l'Observatoire des discriminations, dénonce le « dangereux tri ethno » et la méthode qui repose sur « une approche géographique » qui n'est pas « ethno-raciale contrairement à ce qu'avance le Comedd ». Et celui-ci de poursuivre : « On a du mal à comprendre en quoi le fait d'être brésilien, africain, extra-européen ou français serait une caractéristique "ethno-raciale". »
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