Réforme de la santé : des gains à retardement pour les labos américains

Les groupes pharmaceutiques américains et leurs actionnaires devront s'armer de patience. À partir de 2014, la vaste réforme de la santé votée par le Capitole permettra à 32 millions d'Américains dépourvus d'assurance-maladie d'en obtenir une, ce qui apportera potentiellement autant de clients supplémentaires à cette industrie. Mais, d'ici là, les laboratoires pourraient réserver des mauvaises surprises à Wall Street. En publiant ces derniers jours leurs résultats du premier trimestre, les leaders du secteur ont tous revu à la baisse leurs perspectives de revenus du fait de cette refonte. Deux facteurs expliquent ces révisions : les rabais consentis par les laboratoires au programme fédéral de santé Medicaid, réservé aux plus démunis, passent dès cette année de 15,1 % à 23,1 % ; et ceux accordés dans le cadre du programme Medicare, destiné aux personnes âgées, atteindront jusqu'à 50 % pour certains bénéficiaires à compter de 2011. « En interne, nous avons travaillé méthodiquement afin d'évaluer le coût de la réforme », a expliqué à « La Tribune » Bart Peterson, senior vice-président du groupe Eli Lilly, l'un des laboratoires les plus affectés par la réforme. « Quand le vote de réconciliation est intervenu, nous avons fait nos calculs avec autant de rigueur que possible en pareilles circonstances », insiste le responsable. La « réconciliation » est la procédure ayant permis aux démocrates d'adopter la réforme d'Obama, malgré la perte de leur majorité qualifiée au Sénat. Pour Eli Lilly, qui réalise 55 % de son activité aux États-Unis où 35 % de ses ventes sont liées à des contrats gouvernementaux, la réforme réduira de 350 à 400 millions de dollars ses revenus de 2010, puis jusqu'à 700 millions de dollars en 2011. Aucun de ses rivaux n'est épargné. Pfizer, qui a publié ses résultats mardi, prévoit une réduction de 300 millions de dollars de ses ventes en 2010, puis un manque à gagner de 800 millions pour 2012. Son directeur financier, Frank d'Amelio, a averti que Pfizer compenserait cela en « comprimant ses dépenses et, si nécessaire, par d'autres moyens ». Johnson & Johnsonnson a prévenu que la réforme lui coûterait 400 à 500 millions de dollars cette année. Et Abbott a réduit de 230 millions son estimation de chiffre d'affaires pour 2010... Pas de médicaments importésMalgré l'impact négatif à moyen terme, les labos américains, mais aussi leurs concurrents étrangers actifs aux États-Unis, peuvent crier victoire. La loi votée ne prévoit pas de créer une « option publique », soit un système d'assurance santé fédéral, calqué sur les modèles européens, qui leur aurait été plus coûteux. En échange du soutien des lobbies pharmaceutiques à sa réforme, Barack Obama s'est engagé à ne pas autoriser l'importation de médicaments aux États-Unis. Pourtant, selon les analystes, cela aurait permis de fortement réduire les dépenses de santé du pays. Enfin, les laboratoires bénéficient désormais d'une exclusivité sur le brevet des produits biologiques pendant les douze ans succédant le début de leur commercialisation. Jusqu'en mars, les brevets étaient protégés pendant vingt ans à partir de leur dépôt. Mais, compte tenu du temps de développement des médicaments, la période d'exclusivité se révèle plus longue depuis l'adoption de la réforme.
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