La biotech Genzyme, une cible pas si idéale pour Sanofi-Aventis

J'ai été très surpris que Chris Viehbacher choisisse Genzyme : Sanofi prend un risque dans cette opération. » Ces propos d'un banquier parisien peuvent paraître déplacés : après deux mois de bataille rangée, le champion tricolore et la biotech américaine n'ont jamais semblé aussi près de s'entendre. Mais un débat continue d'agiter la communauté boursière et scientifique. Au-delà de ses modalités financières, le rachat de Genzyme est-il vraiment pertinent pour Sanofi ?Les avantages de l'opération pour le labo français ont été longuement exposés : se renforcer dans les médicaments biotech (issus du vivant), doper le portefeuille de produits en développement au moment où ses principaux brevets sont menacés, s'ouvrir les portes du marché des maladies orphelines... sans parler du volet financier, avec, au prix de 69 dollars par action Genzyme, un effet positif sur le bénéfice par action de Sanofi dès 2011.Pourtant, des voix s'élèvent pour mettre en doute ces arguments. À commencer par le caractère lucratif des médicaments orphelins, vendus plusieurs centaines de milliers d'euros par patient et par an. « Ces prix sont de plus en plus strictement encadrés par les autorités de santé, aux États-Unis comme en France. Avec de tels produits, Sanofi risque de se retrouver sur la sellette quand il va s'agir de négocier les prix de ses propres médicaments », s'inquiète un proche du labo tricolore. « Genzyme sera complexe à intégrer, car les maladies orphelines s'adressent à des marchés et des canaux de distribution très différents de ceux des grands labos », estime notre banquier. « Avec tous les changements intervenus dans le groupe depuis l'arrivée de Chris Viehbacher, il y a deux ans, le groupe est-il à même de gérer un nouveau métier ? » pointe un troisième expert.Autre inquiétude, les problèmes de contamination de la production par un virus, qui ont fait chuter les ventes du médicament phare de la biotech, le Cerezyme, de 53 % au deuxième trimestre 2010. Le management de la biotech a lui-même indiqué qu'il faudra « trois à quatre années » pour y remédier. Dans sa lettre au PDG de Genzyme, Chris Viehbacher dépeint Sanofi comme le partenaire idéal pour « surmonter rapidement et avec succès ces défis ». « Mais tant qu'il n'a pas accès aux comptes et aux détails de la situation de Genzyme, comment peut-il en être sûr ? » s'interroge un bon connaisseur du secteur. D'autant que, là encore, Sanofi n'est pas familier de la production de ce type de médicaments.RéticencesJean-Jacques Le Fur, analyste chez Oddo, va plus loin. « Les pertes de brevets à venir toucheront, d'ici à 2014, près de 45 % du chiffre d'affaires 2009 », avertit-il tout en s'inquiétant du caractère aisément copiable des traitements Cerezyme et Fabrazyme, issus d'enzymes « artificielles ». « Ce n'est pas rédhibitoire : les extensions de brevets sont courantes dans l'industrie », relativise un confrère. Toutes ces réticences jettent une ombre sur la « valeur substantielle » que les dirigeants de Sanofi assurent pouvoir tirer de l'acquisition de Genzyme.
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