Retraites ? : vers un traitement de choc

Les chiffres d'endettement qui circulent aujourd'hui ne prennent en compte que la part « explicite » des passifs publics - emprunts et titres négociables - et minorent systématiquement leur part « implicite », celle des déficits sociaux. Imparfaitement provisionné, soumis à des hypothèses souvent irréalistes, le financement de ces déficits menace la solvabilité des États et la stabilité des marchés.Les retraites adossent des engagements futurs à des flux continûment accumulés, l'équation entre recettes présentes et débours anticipés devant à tout moment s'équilibrer. Les deux types de régime qui coexistent aujourd'hui affichent certaines différences mais partagent les mêmes limites.Les régimes par capitalisation, qui prévoient l'autofinancement des prestations par leurs bénéficiaires, ont le mérite de la lisibilité. Ce régime reste très dépendant de la performance des investissements?: les fonds de pension estiment la valeur actuelle de leurs engagements sur la base d'un taux prudentiel inférieur ou égal au rendement anticipé de leurs placements.Les régimes par répartition, qui financent des droits d'une génération par les cotisations de la suivante, doivent proportionner le montant ou la durée des contributions individuelles au rapport entre actifs et retraités.Le vieillissement des populations et un chômage structurel élevé remettent en cause la pérennité de ces deux systèmes. Une sous-tarification des droits et un bénéfice démographique complaisamment supposé ont longtemps fait loi. Les symptômes de ce mal sont aujourd'hui manifestes?: les taux d'actualisation démesurés de nombreux fonds de pension - 8 % dans le cas de Calpers - répondent aux taux de rendement insoutenables des régimes en répartition - besoins de financement proches de 2 % du PIB en France, dès 2020.Le financement de systèmes de retraite lourdement déficitaires ou sous-capitalisés ne pourra s'effectuer qu'au travers d'une baisse des prestations, d'une augmentation des cotisations - hausse du taux ou de la durée des prélèvements - ou par l'emprunt. Si le recours aux deux premières solutions semble inéluctable, leur effet dépressif sur la consommation et la croissance pourrait inciter, en cette période de reprise incertaine, à privilégier la troisième, alourdissant encore les endettements publics. L'allongement des espérances de vie et l'augmentation des départs à la retraite provoqueront également une réduction des encours placés au titre des pensions, du fait d'une hausse des paiements et d'une baisse des recettes. Les ménages seront incités, au terme de leur vie active, à liquider leur épargne pour soutenir des dépenses que des prestations réduites ne pourront plus couvrir. En conséquence, une moindre demande pour les produits obligataires couplée à une offre en forte hausse pourrait provoquer un dangereux « effet ciseau. »Or, les rendements recherchés par les fonds de pension et les fonds de réserve doivent être au moins égaux à leurs taux d'actualisation?: si ces taux sont excessifs, seule une prise de risque accrue pourra les justifier. Ces institutions, qui ont massivement investi leurs ressources en obligations (au-delà de 40 % en France en 2008), seront donc contraintes de se tourner vers des actifs plus volatils, dans un vaste mouvement de réallocation, source de déséquilibres.Le creusement des déficits sociaux, comme celui des déficits budgétaires, pose la question de la soutenabilité des politiques publiques. Les remèdes sont connus et leur application, à terme, inévitable?: les réformes envisagées finiront par s'imposer à une opinion encore récalcitrante. Pour l'heure, un ajustement à la marge peut encore retarder la faillite. Mais pour éviter une complète déstabilisation des marchés, un traitement de choc est nécessaire.n(*) Directeur central de la banque Neuflize OBC. (**) Économiste.Point de vue philippe Bruneau (*) et FrÉdÉric Bonnevay (**) Membres du Cercle des fiscaliste
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