Pourquoi Wolfgang Schäuble restera ministre allemand des Finances

Au numéro 97 de la Wilhelmstrasse, dans le quartier des ministères de Berlin, la Detlev-Rohwedder-Haus est un ensemble monumental typique de l\'époque nazie. Après avoir abrité le ministère de l\'air de Hermann Göring et le commissariat au plan de la RDA, il est depuis 1999 le siège du ministère fédéral des Finances. Et c\'est aujourd\'hui un des lieux les plus convoités de la République fédérale.Exigence sociale-démocrateJusqu\'ici, il semblait acquis que Wolfgang Schäuble devait demeurer, quelle que soit la future combinaison politique allemande, le locataire de la Wilhelmstrasse 97. Mais dimanche, deux députés sociaux-démocrates représentant le Seeheimer Kreis, le club qui regroupe l\'aile droite du parti, ont posé comme condition sine qua non à la participation de la SPD au gouvernement le poste de ministre des Finances.Négociations difficilesCertes, la direction du parti s\'est désolidarisée de cette démarche. Mais il n\'est pas certain que l\'affaire ne resurgisse rapidement. Les négociateurs sociaux-démocrates savent en effet que, traditionnellement, on discute des questions de portefeuilles en dernier.C\'est une façon de « compenser » telle ou telle concession sur le fond. Il est donc un peu tôt pour formuler des conditions de ce type. Mais la question du ministère des Finances peut revenir compte tenu de la difficulté des négociations et de la pression de la base de la SPD qui pousse la direction à se montrer inflexible.En tout cas, un tabou est d\'ores et déjà tombé : Wolfgang Schäuble n\'est plus assuré absolument de demeurer à son poste.Jadis, les Affaires étrangères étaient convoitées…Signe des temps, le ministère des Finances est devenu un poste très convoité lors des discussions de coalition.Le fait n\'est certes pas nouveau, puisque, en 2005, la SPD avait insisté pour l\'occuper et c\'est Peer Steinbrück qui, alors, était devenu le grand argentier du pays. Mais, jusqu\'alors, le poste traditionnellement réclamé par le partenaire minoritaire d\'une coalition était celui des Affaires étrangères qui permettait de disposer d\'un grand prestige.C\'est ainsi que ce sont forgées les figures de Hans-Dietrich Genscher, le leader libéral, ministre des Affaires étrangères de 1974 à 1992 ou de Joschka Fischer, le seul Vert à avoir occupé ce poste de 1998 à 2005.… mais le poste a perdu de l\'influenceDésormais, ce poste est bien moins en vue. Le libéral Guido Westerwelle n\'a guère brillé au cours des quatre dernières années sur la scène internationale. Pas plus que ne l\'avait fait avant lui le social-démocrate Frank-Walter Steinmeier.La raison en est simple : Angela Merkel a pris de plus en plus de place sur la scène internationale. C\'est elle qui, de facto, dirige la politique étrangère de l\'Allemagne. Le chef de la diplomatie occupe surtout une fonction honorifique au service de la chancellerie.La puissance du ministre des FinancesEn revanche, le ministre des Finances dispose d\'un pouvoir discrétionnaire étendu. Selon la Constitution allemande et son article 112, il est même le seul à pouvoir valider des dépenses exceptionnelles de l\'Etat fédéral.Sur ce plan, son pouvoir est supérieur à celui du chancelier. Surtout, avec la crise de la zone euro, il occupe une fonction stratégique en Europe. C\'est lui, par son poids au sein de l\'Eurogroupe, qui organise les aides européennes et, pour tout dire, une grande partie de la stratégie économique de l\'Union économique et monétaire.La figure de Wolfgang Schäuble est devenue une figure protectrice outre-Rhin face aux volontés des pays périphériques de demander plus d\'engagement de l\'Allemagne.Mais il est aussi devenu le symbole de l\'austérité dans plusieurs de ces pays. En bref, l\'influence internationale du ministre des Finances est désormais plus importante que celui du ministre des Affaires étrangères.Wolfgang Schäuble en position de force…Le locataire de la Wilhelmstrasse 97 constitue donc un véritable contre-pouvoir à Angela Merkel. C\'est un lieu stratégique pour pouvoir peser sur la politique de l\'Allemagne. Nul doute que la SPD ne cherche à la convoiter. Y parviendra-t-elle ? Ce sera très, très difficile.Par sa popularité…D\'abord, parce que Wolfgang Schäuble est une figure très appréciée des Allemands. Dans sa ville natale d\'Offenburg, non loin de l\'Alsace, il a obtenu sur son nom 56 % des voix le 22 septembre, soit 8 points de plus que la liste CDU. Il bénéficie d\'une réputation de sérieux et de rigueur.Il a su faire passer le message qu\'il était l\'artisan de la réduction du déficit allemand, moins dû pourtant au budget fédéral qu\'aux excédents dégagés par les assurances sociales et les Länder.Par ses liens étroits avec Angela MerkelDe plus, il bénéficie d\'un soutien sans faille de la chancelière. Wolfgang Schäuble et Angela Merkel sont, en matière européenne notamment, sur la même ligne : sauver l\'euro en faisant de l\'UEM une zone de compétitivité bâtie sur le modèle allemand.La chancelière aura beaucoup de mal à se passer d\'un tel soutien. D\'autant que l\'homme à la réputation à l\'étranger, d\'être un europhile convaincu, ce qui n\'est certes pas le cas d\'Angela Merkel. A Paris, notamment, ceci a du poids.Par l\'absence d\'alternatives fortesEt puis, trouver un Social-démocrate à la hauteur du poste sera une gageure. Deux hommes en avaient la carrure. Peer Steinbrück, d\'abord, qui a occupé ce poste de 2005 à 2009, mais sa défaite électorale l\'a effacé des candidats potentiels et il a toujours refusé de revenir dans un gouvernement dirigé par Angela Merkel. Jörg Asmussen, ensuite.L\'actuel membre du directoire de la BCE est aussi Social-démocrate. Il a travaillé pour Peer Steinbrück et Wolfgang Schäuble au ministère des Finances et est proche de la chancelière. Mais il a refusé le poste, préférant pour l\'heure rester à Francfort. Difficile alors de trouver une alternative.Par la menace d\'une alliance avec les VertsReste enfin un dernier point : à force de faire monter les enchères et de se montrer gourmand, les Sociaux-démocrates pourraient tout perdre. La CDU engage des discussions jeudi avec les Verts qui, eux, du haut de leurs 8,6 % obtenus le 22 septembre, ne peuvent guère prétendre à la Wilhelmstrasse, 97.Si la SPD insiste trop pour prendre le portefeuille des finances, Angela Merkel pourrait finalement se tourner vers les Verts. Et garder ainsi Wolfgang Schäuble à ses côtés.
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