Tokyo mise sur une nouvelle stratégie à l'export

Une fois n'est pas coutume : le gouvernement japonais attend avec impatience les chiffres de la croissance du dernier trimestre (janvier-mars), qui seront publiés le 20 mai. L'économie a certainement enregistré un bond spectaculaire qui contraste avec la conjoncture incertaine de ces dernières années. « ça sera peut-être la plus importante croissance enregistrée en 10 ans », prédit Hiromichi Shirakawa, l'économiste de Credit Suisse. Ce dernier anticipe une hausse du pib de 6,8 % (en taux annualisé) par rapport au trimestre précédent. Dix économistes de banque tablent, quant à eux, sur 5 %. Mais s'agit-il d'une embellie éphémère ou d'un redressement durable ?Le rebond de ce début d'année est d'autant plus exceptionnel qu'il est le fruit des principaux moteurs économiques, celui des exportations et celui de la demande intérieure. La consommation des ménages japonais est soutenue depuis un an par d'énormes subventions publiques (prime à la casse pour les biens durables...) mais aussi par une « modeste » mais sensible amélioration du marché du travail, et des « perspectives pour les ménages » en termes de pouvoir d'achat, estime Hiromichi Shirakawa.composants sophistiquésMais les grands gagnants de ce premier trimestre sont les exportateurs. Leurs exportations ont grimpé de 43,5 % en mars sur un an, a récemment indiqué le ministère des Finances, « principalement grâce aux ventes d'automobiles, de pièces détachées et de micropuces ». Ces 2 dernières catégories de biens sont importantes car elles montrent que la force industrielle japonaise est désormais davantage dans les composants que dans les produits finis. La domination japonaise s'est en réalité déplacée en amont de la production. Elle demeure certes imposante, mais se situe désormais au niveau des composants sophistiqués. Partout les prestigieux noms japonais d'hier sont remplacés par leurs concurrents sud-coréens et demain chinois. L'électronique est le secteur emblématique de cette mutation. Les Japonais Shin-Etsu et Sumco produisent depuis 20 ans la plupart des tranches de silice qui servent de base aux circuits intégrés des ordinateurs du monde entier. Ces mêmes circuits sont imprimés grâce à des équipements de lithographie japonais (Nikon, Canon, Hoya). Autre exemple : NIDEC. Ce fleuron industriel de Kyoto, occupe 80 % du marché des minimoteurs qui « tournent » dans les disques durs des ordinateurs.Dans l'optique, si tous les fabricants de téléviseurs nippons essuient des pertes, leurs fournisseurs en verre (Asahi Glass, Nippon Electric Glass), font, eux, des profits mirobolants grâce à la qualité de leurs écrans. Star des composants, l'OLED (pour Organic Light-Emitting Diode, diode électro-luminescente organique), qui permet une qualité d'image stupéfiante et représente le prochain saut technologique dans la télévision, maintient sa production sous contrôle des Japonais. Deux sociétés japonaises enfin, Nissha Printing et Alps, produisent la plupart des écrans tactiles de la planète (téléphones mobiles, consoles de jeux), que l'iPhone d'Apple a rendu ultra-populaires. Le Japonais Gunze produit la fibre qui donne aux dits écrans leurs propriétés tactiles. Pour ce groupe de textile, c'est une reconversion. Dans le textile justement, Toray est passé maître dans la fibre de carbone, capitale pour l'armement (missiles...) ou l'aéronautique. Dans la chimie, on trouve au premier plan Zeon qui fabrique des caoutchoucs synthétiques nécessaires à l'automobile, des latex (papier couché...) ou des plastiques transparents indispensables au bon fonctionnement d'appareils médicaux, des téléphones portables avec appareil-photo, des écrans à cristaux liquides. Tous ces produits incontournables soutiennent encore l'excédent commercial nippon. Mais il est vrai que la part de produits finis dans ce dernier ne cesse de diminuer. Ainsi, dans l'automobile, le ratio de véhicules fabriqués au Japon par rapport à ceux produits sur les marchés locaux a visiblement diminué depuis le « choc Lehman » en 2008. Un repositionnement progressif mais peut-être décisif pour l'économique de l'archipel.
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