Le retour du « made in France »

Promus avec volontarisme par le gouvernement pour redynamiser l'industrie mais aussi certaines activités du secteur tertiaire, le mouvement de relocalisation sur le site France prend de l'ampleur. Pour l'instant, il concerne surtout des PME, mais aussi des ETI (entreprises de taille intermédiaire, de 250 à 5.000 salariés). Ainsi, le spécialiste des arts de la table Geneviève Lethu, les jouets Smoby, le groupe industriel Gantois, le lunetier Atol, le fabricant de produits d'hygiène Eugène Perma ont relocalisé tout ou partie de leur production en France ces dernières années.Ne nous leurrons pas, les raisons de ce retour sont économiques plus que patriotiques. Pour Alain Zedda, le dirigeant d'Apte, une PME francilienne spécialisée dans le thermoformage industriel, c'est pour garantir la qualité de ses produits qu'il a fait revenir une partie de sa production. « Même dans des pays proches de nous, comme la République tchèque qui possède un vrai savoir-faire industriel, l'écart avec le ?made in France? est important. En outre, régler un litige à l'étranger est très compliqué. On perd du temps et de l'argent. Rapidement, nous nous sommes rendu compte que le jeu n'en valait pas vraiment la chandelle », explique le chef d'entreprise. C'est parce qu'il partage ce même souci de proposer des produits d'une qualité haut de gamme, que Jacques Narbey, le président de Climex, spécialisé dans la fabrication d'extincteurs, refuse de délocaliser sa production. « La qualité des produits fabriqués à l'étranger, notamment en Chine, ne nous satisfait pas », constate-t-il.Autre argument de plus en plus avancé?: la hausse des cours du brut et la dépréciation de l'euro face au dollar entraînent l'augmentation des coûts de transport qui favorise les retours au bercail, surtout pour les PME. Compte tenu de leur puissance économique, l'envolée de la facture énergétique remet en effet moins en cause les choix de délocalisation des grands groupes. À part quelques promesses de retours de chaînes de production, les mouvements spectaculaires de relocalisation ne sont pas légion et restent insuffisants pour compenser le processus de délocalisation en marche depuis les années 1970. Selon le gouvernement, seulement une trentaine d'entreprises sont revenues dans l'Hexagone en 2009. Ce chiffre est à comparer aux dégâts provoqués par l'exode de l'industrie à l'étranger. Selon la direction du Trésor, les effectifs industriels ont chuté de 36 % entre 1980 et 2007, passant de 5,32 à 3,41 millions de personnes, en raison de l'externalisation sur le territoire d'une partie des activités industrielles vers le secteur des services, mais aussi des délocalisations. Celles-ci expliqueraient entre 10 % et 20 % des destructions d'emplois.Pourtant, l'État ne ménage pas ses efforts pour soutenir le « made in France ». Décidée à l'issue des états généraux de l'industrie (EGI), une prime à la relocalisation d'un montant de 200 millions d'euros est offerte aux entreprises industrielles de moins de 5.000 salariés sous forme d'avance remboursable et conditionnée aux emplois créés, 25 au minimum. Les économistes doutent de l'efficacité de cette solution. « Il aurait peut-être fallu commencer par évaluer l'impact du crédit d'impôt relocalisation lancé en 2005 plutôt que d'inventer cette prime qui peut créer un effet d'aubaine », explique El Mouhoub Mouhoud, professeur à l'université Paris-Dauphine. « Les entreprises qui font le choix de revenir en France le font dans leur intérêt, parce que l'environnement économique de la France, ses structures, la qualité de sa main-d'oeuvre restent séduisants. Cette solution intéresse surtout les chasseurs de primes, les entreprises nomades pour qui le lieu d'implantation n'est pas stratégique », poursuit-il. Il serait donc préférable « d'améliorer la formation des salariés, la solidité des territoires ou la qualité de la recherche » pour donner un vrai sens au « made in France ». Comme le « made in Germany » par exemple?? Un gage de qualité tellement sérieux que les industriels allemands, qui ont multiplié les délocalisations dans les pays de l'Est, peuvent maintenant se permettre de le remplacer par un « made by Germany » indiquant de cette façon que ces délocalisations n'altéraient pas la solidité de leurs produits.Au-delà du « made in France », Christian Estrosi, le ministre de l'Industrie, travaille également sur un nouveau concept, un « label France » pour renforcer l'identité nationale des produits. Il vise en particulier les constructeurs automobiles tricolores, dont la production nationale a chuté de 20 % entre 2008 et 2009. La situation du secteur apparaît tellement désespérée que le ministre n'hésite pas à se réjouir d'une voiture électrique Renault qui sera constituée de... 40 % de composants français?! Une petite victoire. Le ministre souhaite que le constructeur s'engage à monter à 60 % à l'avenir.Outre ce label, dont les contours restent flous, 22 mesures ont été annoncées pour atteindre les objectifs des états généraux?: augmenter de plus de 25 % l'activité industrielle d'ici à 2015, pérenniser l'emploi industriel, favoriser le retour d'une balance commerciale industrielle durablement positive et obtenir un gain de plus de 2 % de la part française dans la production industrielle européenne. Vouloir soutenir un secteur déclinant? relève-t-il de l'acharnement ? Pas sûr, car le « made in France » a la cote auprès des consommateurs français et étrangers. Selon le rapport du député UMP Yves Jégo, la « marque » France pèserait 200 milliards d'euros en valeur immatérielle. « C'est la raison pour laquelle nous avons décidé de réinscrire ?made in France? et la norme NF pour tenter de faire la différence auprès de nos clients », explique Jacques Narbey. Selon l'ACFCI, le consommateur français privilégie spontanément des produits « fabriqués en France », même si ce comportement ne résiste pas toujours à l'attrait des prix bas. « En achetant français, il s'assure une qualité minimale, une sécurité dans son usage et une disponibilité d'un service après-vente. Ce choix procurerait aussi la satisfaction de consommer des produits fabriqués dans les régions, mais aussi de contribuer à la bonne santé de l'économie tricolore », selon l'ACFCI. Comme boire un bon verre de vin en somme. Fabien Piliu
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