Goldman Sachs, LA banque amorale

Un pompier pyromane. C'est la première image qui vient à l'esprit après la lecture de cette description de Goldman Sachs. Ce premier livre « non autoris頻 sur LA banque d'affaires par excellence dissèque sans ménagement ? mais sans cruauté non plus ? son fonctionnement incestueux, gagnant sur tous les tableaux au mépris de toute éthique. Ecrit d'une plume alerte, qui évite le jargon et les chiffres, « LA Banque » rappelle bien sûr les multiples scandales qui ont secoué Goldman Sachs ces dernières années. Mais l'ouvrage a surtout un grand mérite : mettre en avant les conflits d'intérêts permanents de l'institution new-yorkaise.« L'intérêt de nos clients est primordial », affirme le premier principe de Goldman Sachs. Le problème, comme le souligne Marc Roche, correspondant du « Monde » à Londres depuis deux décennies, est que ses clients s'opposent les uns aux autres, sans compter que la banque travaille aussi pour son propre compte. Le mélange des genres provoque régulièrement des dérapages, dont le plus connu a explosé au printemps dernier avec l'affaire « Abacus », le nom d'un produit complexe adossé à des actifs immobiliers américains. Tout en vendant le produit à la hausse à ses clients, le Français Fabrice Tourré s'était allié en secret à un hedge fund pour jouer le même produit à la baisse. L'affaire s'est conclue à l'amiable cet été quand Goldman Sachs a versé 550 millions de dollars à la SEC, le gendarme financier américain.« À la fois juge et partie, la banque joue sur tous les tableaux pour en tirer parti », écrit Marc Roche, même s'il rajoute que cela se fait en toute légalité. « Goldman Sachs le courtier s'oppose à Goldman Sachs le hedge fund. D'un côté, il agit comme courtier pour ses clients des hedge funds... De l'autre, en ayant ses propres hedge funds, il concurrence de manière impitoyable ces mêmes clients. » Jusqu'à l'exemple suprême pendant la crise financière à l'automne 2008 : Hank Paulson, secrétaire d'État au Trésor et... ancien président de Goldman Sachs, a renfloué les grandes banques ? y compris Goldman Sachs.La deuxième force de cet ouvrage est la description des réseaux de l'ombre de la banque, aux États-Unis bien sûr (c'est déjà très documenté), mais aussi en Europe. Marc Roche décrit la façon dont Goldman Sachs a recruté à prix d'or nombre de personnalités influentes, de Mario Draghi (gouverneur de la Banque d'Italie) à Mario Monti (ex-commissaire européen). Le tout se fait dans un véritable culte du secret, à la limite de la franc-maçonnerie. Le refus catégorique de Goldman Sachs d'ouvrir ses portes à Marc Roche pendant son enquête ne peut que renforcer ce sentiment.Pourtant, l'ouvrage évite la diabolisation. Dans sa conclusion, Marc Roche rappelle que si Goldman Sachs a aidé la Grèce à truquer ses comptes, il n'était qu'exécutant ; que les grandes entreprises continuent à utiliser les services de l'établissement ; et que les clients qui ont acheté « Abacus » n'étaient pas des enfants de choeur. Autant d'éléments qui prouvent que trouver une solution à un problème comme Goldman Sachs sera très difficile. Éric Albert, à Londres « LA Banque. Comment Goldman Sachs dirige le monde », de Marc Roche. éditions Albin Michel (240 pages, 19,50 euros).
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