Toute toute première fois

Jean-Claude Ellena est un enfant du sérail. Fils et frère de parfumeurs, père d'une parfumeuse, il a grandi le nez dans les lavandes, le jasmin et les roses du pays grassois. C'est à Grasse, aux pieds des Alpes, dans le climat de sa chère Méditerrannée, que s'est épanouie sa passion des effluves. Né en 1947, il entre en apprentissage à l'adolescence dans l'usine d'Antoine Chris, avant de rejoindre l'école Givaudan-Roure, l'un des mastodontes du monde des parfums qui fournit tant l'industrie du luxe en jus raffiné que les lessiviers et l'agro-alimentaire en odeurs tous terrains. Son véritable premier grand parfum, il le réalise en 1976, il n'a pas trente ans. Son nom ? First de Van Cleef. Un coup de maître, la fragrance figure toujours au rang de grand classique. Son accord ? Des fleurs et des aldhéhydes. Tout Jean-Claude Ellena se dessine d'un trait : en tête, les notes simples de la bergamote et de la mandarine, en coeur le jasmin, la rose et l'ylang ylang qui éclosent sur un fond d'ambre et de vanille. Les aldéhydes, comme pour le génial N°5 de Chanel, lient le tout et donne sa modernité au jus. Contrairement aux partisans du tout naturel qui condamnent les notes de synthèse, Jean-Claude Ellena, lui, se sent parfaitement à l'aise avec elles. « C'est grâce à la chimie que le parfum est devenu un art, qu'il s'est libéré de ses origines pour devenir quelque chose d'abstrait, de conceptuel et d'artistique. Avant, la qualité d'un parfum résultait surtout de la beauté, de la rareté et du prix de la matière. La lavande était peu coûteuse, la rose plus onéreuse, c'est pourquoi celle-ci était mieux perçue. » En 1992, un deuxième parfum, l'Eau parfumée au thé vert de Bulgari, confirme définitivement son style minimaliste. Moins de vingt ingrédients entrent dans la composition de cet hespéridé (dont la bergamote, la violette, la rose et la fleur d'oranger boostées par de l?hédione). « Les valeurs porteuses du parfum et du luxe sont la simplicité, la justesse, la distinction et l'exigence. » Parfumeur maison depuis 2004 d'Hermès, Jean-Claude Ellena s'inscrit dans la lignée d'Edmond Roudnitska, le compositeur de parfums qui donna naissance entre autres à l'eau d'Hermès en 1951. « Ici, dans cette belle maison qui a le sens profond des métiers, je réalise un rêve merveilleux : exercer ma passion avec autant d'exigence créative que de liberté. » C'est en sortant des sentiers rabattus par tous, qu'il initie une nouvelle ère de la parfumerie contemporaine. Financièrement ? Ça marche ! Depuis son arrivée, les ventes de la division ont été multipliées par quatre. « Terre d'Hermès », créé en 2006, figure en tête des fragrances masculines. « En parfumerie, complexité et richesse sont des moyens de masquer la pauvreté de la créativité. Plus les parfums sont complexes et riches, plus ils se ressemblent. » Éloge de la simplicité. Vive la sensibilité ! Isabelle Lefort? Demain : Béatrice de Plinval, mon premier jour Place Vendôme.
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