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Inutile de s'encombrer d'un guide touristique. Pour visiter la Californie, mieux vaut relire ses classiques. Depuis que les Espagnols ont cru y avoir découvert leur eldorado, cette terre de légende a toujours su éveiller l'imagination des plus grands écrivains du pays, nombreux à s'être laissé inspirer par le mythe toujours renouvelé de ce pays de cocagne. Celui des chercheurs d'or d'hier, des starlettes d'Hollywood ou des surdoués de la Silicon Valley aujourd'hui. En cinq siècles, le rêve californien n'a pas pris une ride et continue de coller à l'asphalte de la Highway One qui relie Los Angeles à San Francisco. La réalité y rejoint souvent la fiction, au rythme des pages qui tournent et des miles qui défilent au compteur. Il suffit de se promener dans West Hollywood pour s'en convaincre. Pendant que Downtown n'en finit pas de se refaire une beauté, l'ancien terrain de jeu de James Ellroy semble s'être figé derrière ses villas kitsch de style Tudor. Les coupés Mercedes ont depuis longtemps remplacé les Pontiac, mais sur Melrose Avenue, de vieilles dames trop fardées promènent toujours leurs chihuahuas, le chinchilla jeté sur l'épaule, pendant que les poupées russes attendent aux feux, la cheville en avant pour mieux attirer le contrat, sous le regard soupçonneux des voitures pies de la police. Lorsque l'heure a sonné de quitter la baie des Anges, la voie semble toute tracée, le Pacifique bien calé à sa gauche, en direction du promontoire de Big Sur. Un nom à part qui sert également de titre à deux romans fameux de la littérature américaine. Kerouac n'y a séjourné que le temps d'une déprime, pendant que Henry Miller s'y est réfugié pendant plus de vingt ans, persuadé d'avoir retrouvé les délices d'un paradis perdu. Protégé du temps qui passe par ses larges futaies de cèdres et de séquoias, Big Sur dégage aujourd'hui encore ce même parfum. Au bord des falaises qui disparaissent sous l'assaut des lambeaux de brume rejetés par l'océan, l'hôtel Deetjen's continue de jouer Chopin au petit déjeuner et les margaritas corsées du Nepenthe se savourent sous l'oeil amusé de l'écrivain, dont les photos d'époque tapissent les murs. Un rapide tour au musée consacré à l'auteur des « Tropique... », dans ce qui aurait pu être une cabane de trappeur, et il est temps de passé du monde de Miller à celui de Steinbeck. Monterey, distant de quelques dizaines de kilomètres, n'a plus grand-chose à voir avec le port de pêche décrit dans « Cannery Row ». Les touristes ont depuis longtemps remplacé les sardines, et les restaurants bon marché les conserveries. La route y apparaît presque comme une échappatoire, qui, une fois traversé les champs d'artichauts de la plaine de Salinas, mène tout droit à la baie de San Francisco. Dans la ville de Jack London, où Mark Twain a connu, le temps d'un été, l'hiver le plus froid de son existence, le brouillard jette un écran de fumée sur la Golden Gate. Le Castro, quartier gay et coloré d'Armistead Maupin, n'est distant que de quelques blocs de l'Union Square de Dashiell Hammett. Au 3e étage du 870 dans Market Street, la silhouette de l'ancien détective de l'agence Pinkerton se devine d'ailleurs à la fenêtre de ce qui était autrefois son bureau. Le John's Grill, qui servait de cantine à l'inventeur du roman noir, propose toujours ses steaks XXL, une réplique du « Faucon maltais » trônant au-dessus du bar. Quelques bourbons plus tard, l'heure du pèlerinage a sonné, direction l'unique église au monde consacrée à saint John Coltrane. Et alors que retentissent les premières notes exécutées par sa Sainteté, se confirme l'impression qu'à l'Ouest, c'est toujours l'éden.Olivier Casl
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