Au Japon, l'intérim a progressé en vingt ans

L'histoire de l'intérim est particulière au Japon. Cette forme de travail ne fut autorisée qu'en 1985. Son interdiction antérieure découlait d'une volonté politique de favoriser les emplois permanents. Elle était aussi le fruit d'une rupture radicale avec la période d'avant guerre, lorsque l'immense majorité des ouvriers étaient contrôlés par des « apporteurs » de travail, les « oyakata », souvent liés à la pègre, qui fournissaient la main-d'oeuvre nécessaire aux entreprises. Après-guerre, en pleine démocratisation du pays, le Japon s'est doté d'un droit du travail extrêmement protecteur, en particulier concernant les conditions de licenciement du salarié. L'emploi manufacturier non qualifié jouissait d'une grande protection. Mais, depuis 1985, le régime de l'intérim s'est considérablement assoupli, jusqu'à son autorisation pour les emplois manufacturiers en 2004, à la faveur de la libéralisation du marché du travail prônée par le Premier ministre d'alors, Junichiro Koizumi. Depuis 2007, la durée des contrats d'intérim peut aller jusqu'à 3 ans. Quatre millions de travailleurs, soit 7 % de la main-d'oeuvre totale du Japon, est aujourd'hui composée d'intérimaires.l'égalitarisme mis à malCette classe de travailleurs précaires qui a émergé depuis 20 ans a sérieusement écorné le mythe égalitariste au Japon, où tous étaient prétendument logés à la même enseigne. L'Archipel voit désormais cohabiter deux types de salariés : ceux assujettis au droit du travail classique, très protecteur ; et ceux, intérimaires et autres types d'employés plus précaires, qui jouissent de très peu de droits et de prestations sociales, notamment lorsque leur contrat de travail prend fin. Ce sont ces derniers qui se retrouvent aujourd'hui en première ligne, dans le contexte de la crise économique qui a débuté en 2008. Les Japonais ont même créé un néologisme pour qualifier cette situation : haken-giri, ou « licenciements d'intérimaires ». Selon les estimations, les travailleurs précaires représentent un tiers de la population active au Japon. Régis Arnaud, à Tokyo
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