Prime record pour le blé dans les ports français

La semaine dernière, un mystérieux acquéreur recherchait 150.000 tonnes de blé. Il les a finalement achetées aux États-Unis. Destination : l'Égypte. Le premier importateur au monde a beau s'en défendre dans des déclarations officielles, il manifeste par ses emplettes un besoin urgent de céréales. Et achète donc à tour de bras, quitte à avancer masqué, ou à plaider pour avancer ses échéances de livraisons : hier, un cargo prévu pour la mi-septembre finissait de charger du blé à Bordeaux. Une frénésie d'achat qui se traduit sur le marché. Les agriculteurs bénéficient aujourd'hui d'une prime record s'ils livrent leur récolte à Rouen ou La Pallice, les deux principaux ports d'exportation français, soit respectivement 10 et 12 euros de plus que le marché à terme. La prochaine échéance du Nyse Liffe, pour une livraison en novembre, se traitait 213 euros hier après-midi. Une situation tout à fait inhabituelle. « D'ordinaire, la tonne de blé subit une décote par rapport aux échéances futures négociées sur Nyse Liffe (ex-Matif), surtout en août, durant la période dite de dégagement » assure Gaultier Le Molgat chez Agritel. Les silos sont pleins un peu partout, et les intervenants ont donc hâte de se délester de la marchandise plutôt que de l'entreposer, ce qui a un coût (0,93 euro par tonne et par mois). Alors que la Russie a officiellement mis en place un embargo sur ses céréales depuis le 15 août, l'Ukraine pratique un barrage équivalent dans la pratique. « Les cargaisons de blé ne sortent plus du pays ; sous prétexte de contrôles sanitaires, les bateaux restent bloqués par le gouvernement ukrainien », assure un intermédiaire. Un problème que certains intervenants préfèrent d'ailleurs anticiper. La semaine dernière, la Tunisie a lancé un appel d'offre excluant les blés de la mer Noire, pour ne pas avoir de doute quant à la date de livraison. L'intérêt subit pour le blé européen s'explique par son avantage compétitif par rapport aux autres blés déjà moissonés, c'est à dire l'Amérique du Nord : le fret entre la France et le Bassin méditerranéen coûte 10 euros de moins par tonne que le fret Amérique-Méditerrannée. Cette prime au blé physique ne devrait pas se prolonger éternellement. Ne serait-ce que pour des raisons logistiques : les ports français ne peuvent pas exporter toute la récolte en quelques semaines, et les embouteillages de bateaux risquent de décourager les exportateurs qui louent les cargos à la journée. Et la rareté de l'offre ne devrait pas durer. L'arrivée de la récolte australienne, à partir de novembre, devrait remettre les prix du blé sous pression, puisque les stocks restent importants en Amérique du Nord. Ce qui incite Offre et Demande Agricole à conseiller aux agriculteurs de vendre au plus vite leur moisson. «La prime au physique est rare ; et puis il faut alimenter le marché ! » estime Renaud de Kerpoisson, qui dirige Offre et Demande Agricole. Aline Robert
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