Le « plus » des produits « sans » 

Et si le renoncement était en passe de devenir « l'argument marketing qui tue ». Après avoir joué pendant des décennies au Monsieur Plus, comme dans la pub d'un célèbre chocolatier, les directions marketing multiplient en effet les lancements de produits qui affichent fièrement leur « sans » : sans paraben, sans sucres ajoutés, sans travail des enfants, sans phosphates, sans cholestérol? Un véritable inventaire à la Prévert. « Le phénomène a émergé aux États-Unis au début des années 2000 sous l'influence des groupes de pression, avant d'atteindre la France deux ans plus tard. Nous n'avons pas effectué de recensement exhaustif des lancements qui se revendiquent sans, mais c'est clairement un axe de développement chez les industriels notamment dans l'hygiène-beauté et l'alimentaire. Paradoxalement, le « ?sans? devient un ?plus? marketing », observe Babette Leforestier, directrice des études documentaires de TNS Sofres. retour de bâtonUn paradoxe qui répond aux aspirations de transparence, de simplicité et d'utilité des consommateurs. Et qui, l'air de rien, coûte cher aux industriels. Primo parce que les formules doivent être repensées, secundo parce que les produits de substitution sont globalement onéreux. Pour autant, le jeu en vaut la chandelle. « La justification des marques ne se fait plus sur l'innovation mais sur la réalité du produit, son utilité, son mode opératoire. Les consommateurs le comprennent et l'acceptent. C'est la preuve que la marque change ou du moins qu'elle a l'intention de changer », avance Benoît Héry, président de l'agence Draft FCB. Une volonté qui ne cache pas des intentions tout à fait mercantiles. Et notamment celle de faire de ce mieux-disant industriel un avantage concurrentiel? même avec un prix supérieur !Mais attention, prévient Benoît Héry, le retour de bâton peut être douloureux. « Être le premier à dire que l'on a revu sa production industrielle, c'est de bonne guerre, mais encore faut-il le faire avec subtilité et honnêteté. Les consommateurs ont le droit de choisir, ils ne veulent pas de nouveau dogme. Au-delà, les entreprises qui s'engagent dans ce type de communication ont tout intérêt à s'être structurées différemment, non pas pour être irréprochables ? personne ne recherche la perfection ?, mais pour clarifier leur position vis-à-vis des attentes sociales. Faute de quoi, elles risquent de faire naître des doutes quant à la sincérité de leurs actions. » Bref, si le « sans » peut être une source de « plus », encore faut-il le manier avec précaution, d'autant qu'en l'espèce, le mieux côtoie le pire. « Lorsque certaines marques d'appertisés [produits stérilisés, Ndlr] communiquent sur le ?sans conservateur?, quel est le sens de cette allégation ? interroge Babette Leforestier. Par essence, l'appertisé n'a pas besoin de conservateur? » Chasser le naturel du marketing, il revient au galop.Rita Mazzol
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