Voici un curieux livre. Scientifique, humaniste, poétique, politique, historique, peut-être prophétique. C'est surtout un récit magnifique, celui du célèbre glaciologue Claude Lorius, pionnier du carottage dans l'Antarctique et tout premier témoin du passé climatique de notre planète. Ou comment quelques glaçons, puisés à 100 mètres de profondeur, puis jetés dans un verre de whisky en cet été austral de 1965, ont pu déboucher, vingt-cinq ans plus tard, à force d'imagination, d'intuition, de coopération internationale - en pleine guerre froide - et de rigueur, sur une découverte extraordinaire, qui forge aujourd'hui nos connaissances et nos peurs, celle de la relation entre l'évolution du climat et les gaz à effet de serre.C'est bien cette découverte qui a conduit les climatologues à sonner l'alerte : l'homme est devenu la principale force géologique au même titre que les comètes ou les volcans. Il modifie l'atmosphère (air), l'hydrosphère (eau), la lithosphère (pierre), la biosphère (vivant). Il a créé, avec une rapidité saisissante, une nouvelle ère géologique, celle de « l'Anthropocène » qui succède à l'Holocène débuté il y a 12.0000 ans. Faut-il avoir peur ? Claude Lorius préfère éluder la question, promouvoir la notion d'amitié (confiance), seule force susceptible de faire bouger les montagnes (en référence à l'aventure polaire) ou endosser les habits du sage qui anticipe la fin sans y croire vraiment. Il n'hésite pas cependant à pourfendre les nouvelles croyances, notamment l'innovation comme une réponse (facile) aux défis mais qui s'avère une fabrique à produits. « La science ne peut nous sauver mais nous avons besoin de la science pour trouver des solutions », explique-t-il. Et puis, tant pis si nous allons dans le mur. Ce sera simplement la fin d'un cycle géologique et... le début d'un autre. Eric Benhamou

latribune.fr

27 Jan 2011, 23:28

Partager :