PVSI, un pôle national pour le démantèlement nucléaire

Les activités de démantèlement nucléaire représentent d’ores et déjà un marché important, évalué à plusieurs centaines de millions d’euros par an pour certains sites nucléaires en France. Les 14 et 15 décembre à Marcoule, dans le Gard, le Pôle de valorisation des sites industriels (PVSI) rassemblera 300 acteurs de « l’équipe de France » du démantèlement.
Préparation d'une intervention du CEA sur un chantier de démantèlement, à Marcoule (Gard)

C'est une filière en pleine phase de structuration. A la pointe de la construction et de l'exploitation d'installations nucléaires depuis des décennies, la France souhaite s'appuyer sur son expertise pour se poser en leader du démantèlement. Centrales nucléaires et réacteurs expérimentaux bien sûr, mais aussi usines du cycle du combustible, laboratoires et réacteurs de recherche ou encore reprise et reconditionnement de déchets anciens... Dès les années 80, des premières opérations de démantèlement ont vu le jour, avec un coup d'accélérateur à partir du milieu des années 90, en particulier sur le site nucléaire de Marcoule, le berceau historique du nucléaire français. Aujourd'hui, les choses s'accélèrent encore avec d'une part l'arrivée en fin de vie d'installations très diverses en France et, d'autre part, les perspectives ouvertes à l'international.

Un marché mondial potentiel de 220 milliards

L'Etat en a fait l'une de ses priorités industrielles et stratégiques. Dès 2013, le Comité Stratégique de la Filière Nucléaire (CSFN) recommandait de « renforcer la filière française du démantèlement, pour répondre aux importants besoins à venir dans tous les pays concernés ». Il faut dire que le marché mondial s'annonce colossal. D'après une étude du cabinet Arthur B. Little, il est estimé à 220 milliards d'euros d'ici à 2030 et porte autant sur les réacteurs que sur toutes les usines du cycle du combustible. En France, pays qui dispose de l'un des parcs nucléaires les plus importants au monde, EDF a déjà entamé la déconstruction de neuf de ses réacteurs. Les exploitants nucléaires français (EDF, AREVA et le CEA principalement) ont provisionné, comme l'impose la loi, les budgets pour faire face aux futurs chantiers de démantèlement.

A Marcoule, un écosystème du démantèlement

Dans le Gard, une filière d'excellence s'est construite autour du CEA Marcoule, en bordure du Rhône. Dans la filière française du démantèlement, le CEA tient un rôle clé : deux tiers des installations nucléaires en fin d'exploitation lui appartiennent. Dès le début des années 1980, le site de Marcoule s'est engagé dans des chantiers de démantèlement qui ont fait référence dans le monde. Et ce, sur des installations de toute nature : réacteurs de première génération construits à la fin des années 50, usine de retraitement UP1, laboratoires, installations de traitement de déchets... « C'est à Marcoule que sont les plus grands chantiers et c'est depuis Marcoule que sont pilotées les opérations d'assainissement et de démantèlement réalisées sur les centres du CEA à Saclay, Fontenay-aux-Roses, Cadarache et Grenoble qui vient de se terminer dans les délais prévus », précise Philippe Guiberteau, le directeur du centre gardois du CEA et Président de PVSI. Marcoule, qui réalise également la R&D du CEA dans le domaine de l'assainissement et du démantèlement, et la qualifie sur des chantiers réels, dispose de l'ensemble des compétences nécessaires pour gérer ces opérations d'une grande technicité.

A la clé, les retombées économiques sont déjà importantes. La filière nucléaire dans le Gard rhodanien représente 10 % de la part industrielle du PIB de Languedoc-Roussillon. Chaque année, ce sont de l'ordre de 300 millions d'euros qui sont engagés par le CEA rien que pour le démantèlement des installations du site de Marcoule, où un chantier comme le démantèlement prochain du réacteur PHENIX est évalué à lui seul à plusieurs centaines de  millions d'euros sur 30 ans. Résultat, un écosystème très riche s'est créé dans ce bassin d'emploi. Avec de grands groupes spécialisés en assainissement-démantèlement,  mais aussi des petites entreprises dont certaines à fort potentiel technologique. Sans oublier un environnement académique et de la formation très fertile, avec la présence de l'Institut National des Sciences et Techniques Nucléaires et son « chantier-école » du démantèlement, mais aussi l'université de Montpellier ou encore l'Ecole des Mines d'Alès. Un master « démantèlement » vient d'ailleurs d'ouvrir en septembre 2015 à Marcoule.

PVSI : l'accélérateur national

Philippe Guiberteau, Président de PVSI indique : « Notre objectif est de créer de la valeur et de l'emploi par l'innovation en regroupant près des grands chantiers de Marcoule, les industriels, les organismes de recherche dont le CEA et les organismes de formation ». Rassemblée au bord du Rhône, la filière française du démantèlement a franchi en 2014 une nouvelle étape avec la constitution, par 7 membres fondateurs, du PVSI : le Pôle de valorisation des sites industriels. Au-delà de l'ambition de dynamiser l'écosystème régional, les 19 acteurs de la recherche, de l'industrie, du développement économique et de la formation qui le composent aujourd'hui, travaillent à asseoir une position désormais reconnue de premier plan national. « Ce qui nous guide, est la nécessité de contribuer à la structuration de toute une filière », souligne Luc Ardellier, vice-président de PVSI et du groupement d'entreprises Cyclium (50 membres, dont 17 dans le démantèlement). Celui qui est aussi Président d'Oreka Solutions, une start-up qu'il a fondée dans la simulation 3D de scénarios de démantèlement, souligne que « PVSI a désormais un rôle reconnu nationalement de fédération par l'innovation ». Innovation technologique bien évidemment, avec par exemple une halle technologique qui verra le jour pour faciliter les développements de projets collaboratifs avant leur test en conditions réelles sur les chantiers du CEA. Mais innovation également dans le domaine de la formation des opérateurs, de la contractualisation des projets, de la réglementation... Le Pôle lance un observatoire du démantèlement, destiné à affiner encore l'estimation du volume d'affaires du secteur, tant en France qu'à l'international. « Notre défi est de faire en sorte que le démantèlement de sites nucléaires, qui est aujourd'hui encore perçu comme une charge et une crainte de perdre des milliers d'emplois, devienne une opportunité de business », avance Philippe Patitucci, président de l'UIMM Gard-Lozère. Une chose est sûre, « plus notre écosystème sera renforcé, plus nos entreprises seront en mesure de remporter les grands appels d'offres », rappelle Eric Giraudier, président de l'UPE 30 (Union pour les entreprises).

Un savoir-faire ouvert à d'autres secteurs d'activité

Les compétences du démantèlement nucléaire peuvent être dès aujourd'hui étendues à d'autres « milieux hostiles », pour se relier à des secteurs tels que l'aéronautique, en Midi-Pyrénées et la construction navale en PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) ou encore la déconstruction de plateformes de chimie industrielle. « Pour cela, il faudra continuer d'investir dans la recherche et le développement, et surtout multiplier les transferts de technologie », lance Eric Giraudier. De nombreuses techniques (valorisation et recyclage des métaux, travail en environnements confinés, décontamination, robotique appliquée, etc.) seraient transposables. Pour les aéronefs, le gisement mondial est estimé à 10 000 avions de ligne d'ici 2030. « Ce sont des opportunités à saisir, surtout que nous allons fusionner avec la région Midi-Pyrénées », insiste Henry Douais, président de la CCI de Nîmes. En tout cas, « le BIC Innov'up, un incubateur de projets et d'entreprises innovantes, fondé en 1988, est déjà « connecté » sur le sujet », précise-t-il. Selon lui, tout l'enjeu pour réussir sera de conjuguer l'engagement des majors et des PME ». Le pôle souhaite aussi s'appuyer sur la filière numérique pour numériser et modéliser en 3D ces opérations. « Aujourd'hui, tout ou presque est modélisable. Les possibilités sont infinies. Dans ce domaine, à nous de valoriser notre savoir-faire. Des contacts existent déjà avec Airbus », dévoile ainsi Jean-Christian Rey, président de l'Agglomération du Gard Rhodanien.

En lien avec la priorité nationale qu'est le recyclage, PVSI vise aussi à accroître le transfert aux éco-industries nationales du savoir-faire acquis dans le démantèlement nucléaire. La thématique des déchets est tout particulièrement ciblée (réduction du volume, conditionnement...). D'autant qu'avec des procédés adéquats, le traitement des déchets peut adresser le secteur du recyclage des matières stratégiques et autres métaux critiques.  Cette diversification, qui entend placer PVSI au cœur de l'économie circulaire, est d'autant plus importante, que le démantèlement d'un site nucléaire est très étalé dans le temps, parfois sur vingt ans. « Le marché ne décolle pas assez vite pour nos entreprises », observe Henry Douais.

Un marché mondial d'envergure

Autre cible visée par PVSI : le marché mondial des sites et sols pollués (SSP). Celui-ci était estimé par l'ADEME à plus de 43 milliards d'euros par an dans un rapport en 2011. En France, il concerne plus de 200 sociétés d'ingénierie et de travaux. Des marchés qui font appel à des compétences en partie similaires (géochimie, génie civil, chimie, génie des procédés, métrologie et modélisation, écotoxicologie, géologie, hydrogéologie, physique,...) à celles utilisées pour le démantèlement de sites nucléaires. En France, on recense ainsi plus de 4000 sites et sols pollués, nécessitant dépollution des sols, traitement ou déconstruction des bâtiments. Chaque année, la production de déchets industriels dangereux se situe à environ 240 000 tonnes par an. « La notion de valorisation des sites industriels prend ici tout son sens » remarque Philippe Broche, Président d'Invest In Gard.

Aujourd'hui, PVSI jouit déjà d'une bonne visibilité. Au plan national, réforme territoriale oblige, la nouvelle région qui associera Languedoc-Roussillon avec Midi Pyrénées se retrouvera de fait en « pole position » sur des actions qui, au-delà de la maitrise des chantiers de démantèlement nucléaire eux-mêmes, ouvrent à l'innovation dans des domaines du recyclage et de l'éco-conception. Au plan international, enfin, le pôle a été présenté à Bruxelles par son Président, en présence de responsables du CEA, d'AREVA et d'EDF. PVSI a eu une présence remarquée à la première édition du « World Nuclear Exhibition » (WNE, salon international du nucléaire se tenant tous les 2 ans sur Paris) en 2014 au Bourget. Des jalons ont déjà été posés, notamment aux Etats-Unis lors du salon mondial Waste Management de Phoenix. La filière est sur de « bons rails » et consciente qu'il ne faut pas rater ce virage stratégique pour s'imposer sur le grand marché du démantèlement nucléaire, tout en se positionnant sur d'autres secteurs d'activité de l'économie circulaire.

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Les acteurs de PVSI

Les fondateurs de PVSI sont au nombre de 7 : le CEA Marcoule, la CCI de Nîmes, la Communauté d'Agglomération du Gard rhodanien, la grappe d'entreprises Cyclium, l'agence de développement Invest In Gard, l'UPE 30 et l'UIMM Gard-Lozère.

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Le démantèlement tient ses « Assises » annuelles

Organisée par PVSI, la troisième édition des Assises du démantèlement, qui se déroulera les 14 et 15 décembre prochains, à Marcoule et Laudun, aura un rôle clé pour l'ensemble des acteurs. Cette année, les réflexions vont porter sur le cadre réglementaire des chantiers de démantèlement, l'innovation technologique, la sous-traitance, les ressources humaines, les déchets, ainsi que les perspectives à l'international. Avec des intervenants de premier plan : des représentants de l'Autorité de Sureté Nucléaire, du Ministère de l'Economie de l'Industrie et du Numérique, du Ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Environnement, d'AREVA et de l'ANDRA, de l'Institut National des Sciences et techniques nucléaires, ainsi que des entreprises (OTND, Cyclium, Nuvia,...) et l'Association des industriels français exportateurs du nucléaire. Sans compter, bien sûr des rendez-vous d'affaires, qui ont été un beau succès lors de la précédente édition. En 2014, l'événement avait attiré 300 participants, dont 40 % d'acteurs nationaux et des industriels belges et américains. Cette année, pour franchir une nouvelle étape, une « Route du démantèlement », associant écoles et industriels, ainsi qu'un Observatoire du démantèlement, prendront leur envol.

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