Ces dernières semaines, dans la plupart des pays occidentaux, les ventes à découvert de certains titres financiers en butte à des attaques ont été interdites, ce type de ventes étant accusé de précipiter la chute des cours pour le bénéfice de quelques-uns. De quoi s?agit-il?? Les ventes à découvert ("short sales") existent depuis longtemps. Des acteurs financiers, jugeant des titres surévalués par rapport à la valeur réelle d?une entreprise, ont la possibilité d?en emprunter et de les vendre. Si le cours de l?action diminue comme ils le pressentaient, ils dégagent une plus-value lorsqu?ils les rachètent, moins cher, à une date ultérieure.
La question en réalité est plus complexe. Si de nombreux acteurs estiment en même temps que des titres sont surévalués et qu?ils jouent à la baisse, il est normal qu?une correction des prix s?opère. En revanche, il est problématique que des acteurs, n?ayant aucune information particulière quant à la valeur des titres, puissent gagner à ce jeu, simplement en raison de leur force de frappe. Or, nous avons montré dans un article de recherche que les ventes à découvert peuvent aboutir à des manipulations de marché. Lorsque le titre d?une firme chute fortement, cet affaissement des cours peut engendrer une baisse de la valeur réelle de l?entreprise ("feed-back"). Un acteur puissant, où plusieurs acteurs coalisés, en pariant ensemble à la baisse, déprécient ainsi l?entreprise visée pour leur propre intérêt. Ils peuvent la conduire à la faillite, en empochant des plus-values au passage.
Et c?est précisément ce qui est en train de se passer, selon les dirigeants de la SEC (Commission américaine des titres financiers et des Bourses), pour qui «la chute des prix actuelle amène les financiers à s?interroger sur la santé des firmes, provoquant ainsi une crise de confiance, sans que celle-ci soit dans tous les cas justifiée».
Les mesures récentes d?interdiction doivent donc rester temporaires. Il serait dangereux que les régulateurs cèdent à la pression des lobbies et les prolongent au-delà du nécessaire.
Par ailleurs, le fait d?interdire ces ventes à découvert pour empêcher la spéculation à la baisse permettra-t-il de restaurer la confiance envers les institutions financières?? Dans le cas évoqué par la SEC, les ventes à découvert ont accéléré leur chute, mais il existait bel et bien un doute quant à leur état de santé. Restreindre ces pratiques ne supprimera pas ce doute. Cela rendra le marché plus opaque, et plus malaisée la distinction entre les firmes saines et celles qui ne le sont pas. Or, on ne pourra pas améliorer la liquidité des marchés financiers sans que l?état de santé de ces institutions soit connu.
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