Crise économique et intégration régionale

Par Harold James, enseignant à la Woodrow Wilson School de l'université de Princeton, et à l'Institut universitaire européen de Florence.

Nous traversons la pire crise économique depuis les années 1930. Et les ripostes protectionnistes ont un air tristement familier?: manifestations contre les travailleurs étrangers, revendications en faveur d'un commerce protégé, et nationalisme financier. Dans les années 1930, cependant, ce nationalisme économique n'était pas seul à l'affiche. L'intégration régionale apparaissait aussi la réponse à la dépression.

Si, dans la seconde partie du XXème siècle, l'Europe eut la chance de bâtir un tel régionalisme, aujourd'hui, elle est bloquée. Elle a laissé passer la chance d'établir des institutions plus solides lorsque la période était meilleure. L'UE souffre de nombreux problèmes, débattus depuis des années, qui n'ont jamais paru si pressants qu'aujourd'hui et sont devenus des sources majeures d'instabilité politique.

Les pays de la zone euro ont une politique monétaire commune et un marché des capitaux intégré. Mais les banques sont régulées et supervisées à l'échelle nationale. Un tel système n'est pas adapté à la logique économique d'intégration européenne. Le deuxième problème est la faiblesse du budget de l'UE comparé à celui des Etats membres. La majeure partie des activités gouvernementales se déroule à l'échelon national. Mais chaque gouvernement détient une marge de man?uvre plus ou moins grande.

La dette publique italienne, grecque et portugaise est si élevée que tout recours aux dépenses fiscales pour combattre la crise est vouée à l'échec. L'Irlande, au déficit et à la dette d'un niveau modeste autrefois, est confrontée au même problème après la prise en charge par le gouvernement de la dette du secteur bancaire. En revanche, la France et l'Allemagne ont une solide position fiscale. Et seuls les pays les plus forts de l'UE peuvent réagir à la récession croissante.

C'est dans un contexte d'économie nationale indépendante que Keynes a formulé, dans les années 1930, l'idée de relance par la demande. Cette relance fiscale permettait aux keynésiens de remplir d'eau chaude leur baignoire nationale. Mais lorsque la baignoire nationale est percée, et que d'autres profitent de la chaleur, la mesure n'est plus si intéressante. En tout cas, ça n'a fonctionné que pour les grands Etats?; les petits ne pouvant appliquer ces mesures dans leur lavabo.

Il y a des solutions aux problèmes bancaire et fiscal. Contrôler des banques est le plus simple. La Banque centrale européenne (BCE) a les moyens de superviser les banques européennes, via les banques centrales des Etats. Et la question fiscale pourrait être résolue en émettant des obligations européennes garanties, une mesure temporaire, limitée à l'urgence de la situation économique.

Les mesures de régulation fiscale et bancaire nécessitent une plus large européanisation. En premier, utiliser les institutions existantes, notamment la BCE ou la Commission européenne. Mais cette suggestion implique une souveraineté moindre, y compris chez les plus grands, la France et l'Allemagne. Il est probable qu'ils résisteront en tentant de rester dans leur baignoire.

En effet, la crise a fait à nouveau de la France et de l'Allemagne les acteurs majeurs du processus européen. Mais plus la crise les touche, plus elles pensent au niveau national. Pour Berlin et Paris, l'européanisation ne devrait pas être systématique. Conséquence, ils recommandent la constitution de groupes informels pour trouver des solutions mondiales.

Les références avec les années 1930 se multiplient, dévoilant clairement les affres de l'Europe, qu'éclaire une étrange coïncidence?: la République tchèque préside l'UE. Les Tchèques, qui ont en mémoire l'exemple le plus criant de mauvais régionalisme des années 1930, succèdent à la France, le pays d'Europe qui revendique le plus son propre intérêt.

L'affrontement entre deux visions de l'Europe érode la stabilité politique d'une région qui a autrefois représenté le meilleur modèle et le plus grand espoir de régionalisme bienveillant.

 

Copyright?: Project Syndicate, 2009
 

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