Désintoxication bancaire

Par Sophie Gherardi, directrice adjointe de la rédaction de La Tribune.

La veille du week-end pascal, deux banques américaines ont fait faillite : la New Frontier de Greeley, Colorado, et la bien nommée Cape Fear (Cap de la peur) de Wilmington, Caroline du Nord. Cela porte à vingt-trois depuis le début de l?année le nombre de faillites bancaires. Le rythme s?accélère. En 2007, l?année qui a marqué le début de la crise des "subprimes", trois banques avaient été envoyées au tapis.

Sur l?ensemble de 2008, l?année terrible, ce sont vingt-cinq établissements qui ont cessé d?exister. Certes, il s?agit la plupart du temps de petites banques dont les déposants peuvent être couverts par l?agence nationale de garantie des dépôts (jusqu?à 250.000 dollars par tête). Il n?empêche, l?euphorie, qui a saisi Wall Street jeudi autour des valeurs bancaires après l?annonce des excellents résultats de Wells Fargo au premier trimestre, semble un peu prématurée.

Elle avait été renforcée par des articles de presse affirmant que les dix-neuf plus grandes banques du pays passaient haut la main le "stress test" exigé par l?administration Obama : elles doivent prouver que, même si la conjoncture se dégrade dans des proportions considérables, elles auront assez de capitaux pour faire face. Coupant court, Tim Geithner, le secrétaire au Trésor, a clairement dit que rien d?officiel ne serait publié sur le sujet avant la fin avril. Et, en effet, comment ne pas avoir de doutes sur la soudaine amélioration des perspectives des banques américaines ?

Après les "subprimes", chacun sait que d?autres catégories de crédits - immobilier, cartes bancaires, prêts étudiants - sont rattrapées par la vague des défauts liée à la récession. Entre 600 et 700 milliards de dollars, telle serait la dimension du problème rien que pour les crédits immobiliers d?ici à 2010. Quant à l?ampleur totale des actifs toxiques dans le système financier mondial, elle oscille dans une fourchette beaucoup trop large pour être rassurante : 1.500 milliards de dollars ? 2.000 milliards ? 4.000 milliards, comme l?a suggéré dernièrement le FMI ?

L?économiste péruvien Hernando de Soto écrivait récemment que les "subprimes" ne pouvaient pas expliquer la destruction en quinze mois de 50.000 milliards de dollars d?actifs en tout genre à l?échelle mondiale. Pour lui, c?est la confiance dans la validité de tous les titres de propriété qui est atteinte. Elle ne pourra être restaurée sans un décompte précis des actifs toxiques. L?incertitude juridique sur les titres est la caractéristique du tiers-monde, avertit-il. Pour sortir de la crise, le monde développé doit s?obliger à remettre de la traçabilité jusqu?au fin fond de ses produits structurés. En prend-il le chemin ?

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