Pour une initiative économique franco-allemande

L'Europe, après la mise en œuvre du traité de Lisbonne, semble à nouveau sur les rails. Le président du Conseil, la présidence espagnole, la Commission, font se succéder les initiatives et les propositions. Mais on peut craindre que Bruxelles, où se croisent trop de pouvoirs à l'assise encore étroite, continue à manquer de leadership. Le couple franco-allemand peut-il s'inscrire dans cette dynamique et proposer de nouvelles initiatives ?

Depuis le déclenchement de la crise, la France et l?Allemagne ont manifestement éprouvé des difficultés pour accorder leurs violons. Après bien des discordances, les deux pays ont néanmoins retrouvé les vertus de la coopération en particulier pour préparer les rencontres successives du G20. Les visites réciproques des 9 et 11 novembre à Berlin et à Paris ont aussi eu une portée symbolique notable. Cela ne suffit pas, il faut relancer le moteur franco-allemand à plein régime parce que les défis de l?après-crise sont gigantesques. Nous proposons trois pistes.

Tout d?abord, la stratégie budgétaire. Les priorités ont souvent été différentes et, en 2009, le déficit est de l?ordre de 3% du PIB en Allemagne contre près de 8% en France. Le gouvernement allemand a raison d?en appeler au respect du pacte de stabilité ; mais les incertitudes persistantes de la conjoncture interdisent un retour prématuré à une rigueur budgétaire absolue. La France, déjà trop endettée, ne peut espérer échapper longtemps à de sérieux efforts de rétablissement de ses finances publiques, elle a commencé de le faire avec le choix d?un "petit grand emprunt" et elle devrait prendre un engagement plus ferme, à propos de ses finances sociales.

Pour améliorer la coordination franco-allemande, nous proposons de mettre en phase les calendriers budgétaires dans les deux pays, en organisant plusieurs rendez-vous entre les exécutifs et les parlementaires. Ainsi, menée en parallèle à Berlin et à Paris, la préparation des deux lois de finances serait le moyen de rythmer l?ensemble du débat économique européen sur l?ensemble de l?année.

La gestion de la zone euro appelle aussi de nouvelles initiatives parce que son hétérogénéité est une source de fragilité pour l?ensemble des pays la composant. Actuellement, l?Union européenne ne dispose pas de cadre politique approprié pour intervenir en cas de crise budgétaire d?un de ses membres. Comme le montre l?exemple grec, il s?agit inévitablement d?une intervention très intrusive dans les affaires internes du pays. Dans les crises financières de ce type, c?est traditionnellement le FMI qui est le chef d?orchestre, on l?a encore vu en Lituanie ou en Hongrie. Mais pour un pays de la zone monétaire, la responsabilité politique incombe en priorité à l?eurogroupe, la réunion des ministres des Finances de la zone. Il faudra donner à cet organe, dont le rôle est désormais reconnu par les traités, les moyens d?exercer cette responsabilité en définissant les procédures et les moyens qui lui permettraient d?aider un pays fragile à revenir sur les rails. Ce ne peut être là aussi que sur la base d?une proposition franco-allemande.

A l?échelle mondiale, enfin, la question de l?arbitrage entre dollar et euro se reposera inévitablement. Pour l?Europe, qui a fait le choix de maintenir une forte activité industrielle, il y a là les germes d?une menace très dangereuse qu?il faut se préparer à traiter sans tarder. L?objectif prioritaire pour les Européens sera de convaincre leurs partenaires américains et asiatiques d?éviter un atterrissage en catastrophe du dollar. Souvenons-nous qu?il a déjà atteint la cote d?alerte de 1 euro pour 1,6 dollar en juillet 2008.

Comment procéder ? L?origine du problème, ce sont les déséquilibres globaux ("global imbalances") dont on a cru à tort qu?ils se résorberaient spontanément. L?approche ne peut être que multilatérale, c?est la responsabilité explicite du FMI de surveiller ces questions et faire les propositions adaptées. Mais les autorités chinoises sont très prudentes en matière de taux de change et rejettent toute intervention extérieure. Il faut en tenir compte et considérer que ces questions sont de nature politique et non pas technique.

La bonne orientation pourrait être de profiter de l?élan donné par la création du G20 pour créer enfin, conformément à ses statuts, le Conseil des gouverneurs du Fonds monétaire international qui, réunissant les ministres, serait en mesure d?assumer de véritables responsabilités politiques à la tête de l?institution.

Engager cette réforme, c?est l?affaire du G20, puisque c?est lui qui se trouverait, en cas de crise des changes, au pied du mur, comme le G7 l?avait été au moment des accords du Plaza en 1985 ; et, au sein du G20, c?est à nouveau une affaire franco-allemande. Ces dossiers sont techniques mais ils sont au centre des débats sur l?après-crise. On sait par expérience que la France et l?Allemagne, quand elles le veulent, sont capables de dépasser leurs différences, de dessiner une vision commune de l?avenir, de dégager des pistes d?action réalistes et enfin d?entraîner leurs partenaires européens. Après Lisbonne, c?est le moment de repartir de l?avant.

Cet article résume un rapport rédigé à la demande conjointe du Centre d?études des relations franco-allemandes, Cerfa-Ifri, et de la Fondation Konrad-Adenauer.

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