"Un défaut est hors de question pour la Grèce"

Chaque semaine, La Tribune décrypte une phrase ou une citation qui marque un temps fort de l'actualité politique, sociale ou économique.

Lors de sa conférence de presse du 8 avril, le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet a affirmé : "je dirais qu'en fonction de toutes les informations dont je dispose, un défaut est hors de question pour la Grèce."

Au moment où la crise grecque s'enflamme à nouveau de plus belle, et déborde de la question souveraine pour s'étendre aux banques grecques faisant face à des dépôts massifs, Jean-Claude Trichet décide de combler le silence politique des derniers jours pour tenter de calmer les rumeurs. "Par ces mots, Jean-Claude Trichet a assumé le rôle politique qu'à l'évidence, les chefs d'Etat européens n'assument plus", dit Véronique Riches-Flores, économiste en chef chez SG CIB. Ajoutant : "il dit simplement, qu'en cas de problème aigu de refinancement de l'Etat grec, les autres Etats ne le laisseraient pas faire défaut." "On sait désormais que la Grèce trouvera l'argent nécessaire pour faire face à ses échéances immédiates d'avril et mai, interprète elle aussi Natacha Valla, économiste sur l'Europe chez Goldman Sachs. Mais que se passera-t-il en 2011, lorsque la rigueur budgétaire pèsera sur la croissance ? La Grèce pourrait bien alors avoir à faire face à une vraie crise de solvabilité."

 

On le voit, les propos de Jean-Claude Trichet n'ont pas éteint tous les doutes. Il faut dire que lui-même en a encore de sérieux, si l'on en croit les réserves exprimées dans la première partie de sa citation : "je dirais qu'en fonction de toutes les informations dont je dispose", lâche, en guise de précaution, l'homme prudent... Une précaution explosive à plus d'un titre.

D'abord, parce que c'est une litote pour dire qu'il n'a sans doute pas "toutes les informations" sur la situation réelle de la Grèce. Comment, dans ces conditions, imaginer que ses partenaires au sein de la zone euro, ceux-là même qui sont censés venir à son secours en cas de risque aigu de défaut de paiement, ne sont pas eux aussi taraudés par le doute ? "Dans quelles conditions les pays européens sont-ils disposés à venir au secours de la Grèce ?", s'interroge la directrice du Cepii, Agnès Bénassy-Quéré. "Jean-Claude Trichet ne le dit pas. Or la question reste ouverte, car la méfiance à l'égard d'un partenaire de la zone euro qui a menti sur la réalité de son déficit reste très grande au sein de l'Union monétaire."

 

Ensuite, parce que, "derrière ses mots se cache aussi toute la différence de nature entre une garantie liée aux circonstances et une garantie par construction, qui s'applique, elle, en toutes circonstances", décrypte de son côté l'économiste Gabriel François. Qui conclut : "à travers ses propos, on comprend que les pays européens sont a priori disposés à venir au secours de la Grèce. Mais en disant au préalable "en fonction de toutes les informations dont je dispose", il refuse d'engager la banque centrale pour cette garantie. Certes, le traité de Maastricht le lui interdit. Mais il doit savoir qu'une quasi-garantie est beaucoup moins efficace qu'une garantie absolue qui n'a même pas besoin de jouer. Voilà pourquoi, s'il existe un risque sérieux que la Grèce fasse défaut, il fallait dire que l'on interviendra sans condition." Alors qu'en première lecture, les propos de Jean-Claude Trichet se montrent plutôt rassurants, en particulier pour les banques françaises très exposées sur la Grèce, ils n'épuisent pas totalement l'espace du doute, celui dans lequel se loge le diable des marchés financiers.

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