Ces banques de l'ombre responsables de la crise

Par Pascal de Lima, économiste en chef, d'Altran Financial Services et enseignant à Sciences po.

La crise financière a remis à l'ordre du jour le débat sur l'architecture du système financier américain et international. La commission bancaire du Sénat des États-Unis a voté cette semaine le projet de réforme de la régulation financière... "Nous sommes désormais tout près de l'adoption d'une véritable réforme de la finance qui établira une surveillance et une responsabilité pour notre système financier", a commenté le président Barack Obama. Portée par le président américain en mars 2009, la réforme a pour objectif le durcissement des contrôles publics du système financier américain. Mais le Sénat veut limiter ce contrôle aux plus grandes institutions financières du pays, alors que le très impopulaire secrétaire au Trésor, Timothy Geithner, a critiqué cette disposition qui limiterait considérablement les activités de la Fed. Elle ne se verrait plus confier que la supervision d'une quarantaine d'institutions, au lieu des quelque 6.000 banques à l'heure actuelle.

Pourtant, beaucoup d'énergie a été dépensée pour tenter d'apporter la lumière à une crise financière qui reste somme toute assez simple à comprendre : il faudrait, comme dans la médecine, traiter la cause du problème et non ses conséquences. S'il fallait réaliser un nouveau « It's a Wonderful Life Today », le héros du film serait probablement Fannie Mae ou Freddie Mac, deux agences fédérales d'État dont finalement personne ne parle alors qu'elles sont à l'origine de la crise !

Il s'agit de corporations financières peu réglementées créées aux États-Unis dès 1916 pour stimuler les crédits vers des secteurs cibles de l'économie et pour rendre plus efficients les marchés financiers. Ces mastodontes n'ont même pas accès au prêteur en dernier ressort qu'est la banque centrale ! Surtout, et c'est là que se trouve le coeur du problème, l'activité principale de ces acteurs surpuissants consiste aujourd'hui à racheter des actifs déjà titrisés, ou des CDO déjà construits. Ils sont donc aujourd'hui au centre du "shadow banking", ce qu'on appelle le virtuel financier.

Ce sont ces produits "en chaîne et enchaînés" qui ont largement été utilisés par Goldman Sachs, Bear Stearns et Lehman Brothers et qui ont, faut-il le rappeler, largement bouleversé l'efficacité des politiques monétaires... Ce n'est donc pas la titrisation et les produits dérivés qui constituent la cause de la crise financière, mais bien leur négociation dans des opérations virtuelles de marché principalement par les agences gouvernementales.

La première caractéristique de ce "shadow banking", c'est que les banques elles-mêmes ne contrôlent plus les montants investis et les produits saucissonnés en chaîne. Si les banques ont de prime abord la possibilité de rappeler ces produits, il faut dire aussi que 1,25 trillion de dollars de MBS depuis l'année dernière ont été achetés par Fannie Mae et Freddie Mac. Non seulement ces produits s'échangent toujours, mais surtout, les montants achetés ne correspondent toujours pas aux valeurs des premières structurations. Pourtant c'est bien de ce "shadow banking" virtuel qu'est née la crise avec en ligne de mire ces agences gouvernementales fédérales. Et c'est à ce titre qu'il devrait bénéficier d'une intervention appropriée. Mais fort de ce constat, ce ne sont pas les banques qui devraient bénéficier du plan Tarp ou des fonds publics. Ce ne sont pas de nouveaux contrôles bancaires dont on a besoin mais bien d'un renforcement des contrôles du "shadow banking" !

Nous avons parfaitement conscience du fait que la Fed demande de plus en plus à ces banques de l'ombre de racheter l'essentiel des créances douteuses pour essayer encore et encore d'assainir le marché. Cependant, il est particulièrement surprenant de voir le monde s'enflammer sur ce monde d'une grande opacité. Il est encore plus surprenant de voir évoquer des thérapies keynésiennes pour remédier à la crise financière alors que ces dernières ne traitent finalement que les conséquences du problème. C'est aux agences gouvernementales qu'il faut imposer des normes réglementaires plus strictes et des recherches plus poussées. Les interventions publiques en direction du secteur bancaire n'interviennent qu'ensuite et en seconde intention pour assainir tout le "shadow banking".

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Commentaire 1
à écrit le 27/04/2010 à 16:53
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C'est le sympathique Bill Clinton, qui a fermement demandé à Freddy et Fanny de prêter aux pauvres, une agence gouvernementale obéit au gouvernement, c'est normal dans un état bien organisé, et c'est le gouvernement qui est en position d'évaluer les ...

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