Plaidoyer pour une "cellule fiscale" à Bercy

Par Nicolas Jacquot, associé, Arsene Taxand.

Le rapport de l'Inspection générale des finances (IGF) a déjà fait une victime dans l'affaire Bettencourt : la "cellule fiscale" du ministre du Budget ! L'IGF conclut en effet, alors que rien dans le corps du rapport ne semble y préparer, qu'" il conviendrait de s'interroger sur la tradition consistant à créer au sein du cabinet du ministre une équipe dédiée au traitement des situations fiscales individuelles, dont l'existence même nourrit la suspicion" pour lever les doutes "qui menacent le consentement à l'impôt et donc le pacte républicain".

Pour avoir été trois ans conseiller d'un ministre du Budget, je pense que supprimer aujourd'hui la "cellule" serait une erreur, car cela rendrait la fonction de ministre du Budget, voire l'action du fisc, bien compliquées, tout en empêchant une nécessaire évolution de la mentalité de ce dernier. La "cellule" a essentiellement pour rôle de traiter les dossiers fiscaux dont le ministre peut être saisi (et Dieu sait que la mentalité politique française est prompte à voir dans le ministre une instance d'ultime recours, avant le juge), et dans ce traitement, de protéger le ministre.

 

Le protéger d'abord d'un traitement privilégié d'un dossier, qu'une oreille non experte serait tentée d'accorder (car alors le scandale de ce traitement contraire au principe d'égalité devant l'impôt toucherait immédiatement le ministre).

Le protéger aussi des excès de l'administration dont il est le patron. On a vu dans le passé des instructions fiscales de l'administration d'une sévérité extrême susciter le tollé des contribuables. On voit des appréciations manifestement arbitraires sur lesquelles l'administration refuse de revenir. On voit une absence de dialogue entre l'administration et un contribuable qui vient lui soumettre une difficulté. Loin d'être un endroit où des VIP viendraient négocier des choses indues, la "cellule" a avant tout pour vocation d'instaurer un dialogue apaisé, parfois dans des situations d'impasse.

Mais une règle de base du fonctionnement de la "cellule" est justement, dans ce travail, de ne pas s'écarter de la légalité, faute de quoi elle exposerait le ministre à des dommages importants, notamment en termes d'image. Faut-il s'en féliciter ? Si l'on est dans cette situation, c'est que contribuables et administration fiscale vivent encore dans la méfiance réciproque. Non, tous les contribuables ne sont pas des fraudeurs ! Non, l'administration n'est pas naturellement fermée au dialogue ! Si la "cellule" est utilisée, c'est peut-être que personne ne souhaite prendre ses responsabilités : ni l'administration, qui parfois n'accepte pas la responsabilité de s'engager dans une position favorable au contribuable, ni le contribuable, à l'inverse, qui n'accepte pas la responsabilité d'être en dehors de la légalité et qui se croit indûment lésé par le fisc.

 

Alors avant de songer à supprimer la "cellule" fiscale, il conviendrait sans doute de songer à revoir cette fameuse relation entre le fisc et le contribuable dans le sens d'un plus grand équilibre. Beaucoup d'efforts ont été faits : on citera la Charte du contribuable instaurée en 2005 qui énonce droits et obligations des contribuables et de l'administration. Mais il faut aller plus loin, par exemple dans le sens d'une "relation améliorée", au sens des travaux de l'OCDE.

Il s'agirait pour le contribuable qui le souhaite d'établir avec le fisc une relation plus proche dans laquelle il fournit des informations plus larges que celles correspondant aux obligations légales. En contrepartie, l'administration offre une meilleure prise en compte de la situation et s'engage à répondre rapidement aux questions et à organiser les rencontres et contrôles à venir. C'est du donnant-donnant, contractualisé. La France ne semble pas encore préparée à introduire une telle procédure alors que le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Corée du Sud notamment l'ont fait. Pourquoi ? En attente d'un changement de mentalité qui ne ferait qu'améliorer le consentement à l'impôt, il faudra que la "cellule" fiscale survive au remaniement annoncé de l'automne.

 

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.