La Grande Bouffe

Par François Lenglet, directeur des rédactions de La Tribune.

Il y a des gens qui se compliquent la vie pour rien. Comme ces salariés de l'industrie automobile à Strasbourg, qui ont accepté de geler leur salaire et de diminuer leurs RTT pour améliorer la compétitivité de leur usine en difficulté. Quel manque d'imagination ! Quelle étroitesse de jugement ! Voilà bien les travers de l'âme alsacienne. Alors qu'il leur aurait suffi d'un peu d'esprit d'initiative pour se mettre à leur compte et se lancer dans la carrière de "conseiller en sensibilité artistique". Métier peu connu, mais non sans avantage, occupé par un proche de Liliane Bettencourt pour le compte de L'Oréal, selon un actionnaire de l'entreprise qui s'en plaint devant la justice : 400.000 euros par an pendant dix ans. Pour des contributions d'autant plus précieuses qu'elles sont immatérielles.

Cette nouvelle affaire, François-Marie Banier n'est que le dernier épisode - à ce jour - d'un opéra-bouffe où défile une bonne partie du gotha français : la première fortune du pays, des hommes politiques éminents, des ténors du barreau, des juges ambitieux. Considérables personnages entre lesquels virevoltent des majordomes habillés à l'ancienne mais fort modernes quant aux techniques d'écoute téléphonique : gants blancs et enregistreur de rigueur. Madame est sortie ? Non, Monsieur, elle recompte ses enveloppes en liquide, et il y a déjà dix personnes qui l'attendent au salon. Offenbach n'aurait pas fait mieux, mais il eût été plus drôle, avec les ingrédients éternels de la passion : l'argent, l'amour, les haines familiales, le pouvoir.

Ingrédients éternels, et pourtant explosifs. Si le délit de corruption est défini par la loi de façon rigoureuse, le degré de tolérance de l'opinion publique à son endroit varie selon les époques. Qu'une société soit confiante pour elle et ses enfants, elle acceptera les écarts les plus injustifiables. Qu'elle soit au contraire éprouvée par les difficultés économiques, et la valse des zéros lui devient insupportable. Ce n'est pas seulement l'honneur d'un ministre ou celui d'une vieille dame qui sont en cause aujourd'hui, mais les fondements même de notre société.

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