Aux États-Unis, l'âne ne veut plus boire

Par Marc Fiorentino, stratège d'allofinance.com.

L'été a apporté son lot de surprises. Comme chaque année. On attendait la fin de l'Europe et de l'euro annoncée par les plus grands spécialistes, et on s'est finalement aperçu que le véritable et principal problème de l'économie mondiale, c'est sa première puissance, les États-Unis. Une puissance, qui, après un semblant de rebond économique purement artificiel lié au programme de relance par les primes à la casse automobile et les primes immobilières, reprend le chemin de la baisse. L'immobilier rechute, le chômage stagne à des niveaux élevés et la consommation patine. On reparle bien évidemment de "double dip". Le marché obligataire a déjà donné son verdict avec des taux longs historiquement bas malgré un déficit budgétaire et une dette dramatiques : ce sera la récession. Je vais vous surprendre mais je n'y crois pas. Essayons de prendre un peu de recul et de comprendre ce qu'il se passe réellement aux États-Unis en ce moment.

La crise de 2008 a été un choc terrible. Un choc financier et économique bien sûr, mais également un choc psychologique majeur. Les Américains ont compris que le modèle de l'endettement et du surendettement, sur lequel ils ont bâti leur puissance depuis les années 1960, a volé en éclats. La consommation des ménages a été depuis longtemps le principal moteur de la croissance américaine et de la croissance mondiale. Fort de ce constat évident, Obama a opté pour la relance par la consommation au prix d'un dérapage incontrôlé du déficit budgétaire. Mais l'impact de ces incitations a été médiocre. Inférieur à leur coût réel. Et dès l'expiration de ces programmes d'incitation, la rechute, comme on l'a vu avec les ventes de maisons la semaine dernière, a été d'une brutalité sans précédent.

En fait, la crise a provoqué une mutation profonde dans les mentalités des ménages américains. La peur de l'avenir a pris le pas sur le légendaire optimisme du consommateur. Son seul objectif, quand il le peut, est de se désendetter et de se constituer une épargne, et une épargne sans risque. Le taux d'épargne progresse, les ménages ont retiré plus de 33 milliards de dollars depuis le début de l'année des marchés d'actions pour les placer, même à des taux proches de zéro, sur les marchés obligataires, et la consommation n'est plus leur priorité.

On ne peut pas faire boire un âne qui n'a pas soif. Et le consommateur américain n'a plus soif. La peur du chômage, les craintes sur la retraite, les doutes sur les finances publiques, le manque de confiance dans l'avenir ont transformé la cigale en fourmi et l'âne en vieux singe. C'est une mauvaise nouvelle pour l'économie à court terme, mais c'est une excellente nouvelle pour les États-Unis à moyen et long terme. Les États-Unis doivent passer par la purge actuelle pour reconstituer leurs fondamentaux et recréer les bases d'une croissance future solide et pérenne. Il n'y aura pas de récession, mais il n'y aura pas non plus de croissance forte avant quelques années. Et c'est tant mieux. Les États-Unis ont besoin de deux à trois ans de croissance molle pour se réinventer et diversifier leurs sources de croissance économique vers les exportations et l'investissement productif.

En attendant, Obama va devoir montrer un peu plus de sympathie pour les entrepreneurs, car le climat actuel antibusiness n'est pas propice à la prise de risque, mais il va aussi devoir se résoudre à suivre la voie allemande. Pour Angela Merkel, la prospérité passe par l'austérité et les chiffres spectaculaires de l'Allemagne lui donnent raison. Les États-Unis n'ont pas d'autre choix que de réduire leur déficit de façon drastique. Avec un déficit sous contrôle, une dette publique élevée, mais maîtrisée, et des ménages américains ayant reconstitué une épargne solide, les États-Unis redeviendront une véritable puissance économique. Après une phase de transition douloureuse mais inévitable.

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