Le cauchemar des banquiers centraux

François Lenglet, directeur de la rédaction de La Tribune.

Si l'on veut faire peur à un banquier central, pas besoin de farces et attrapes. Il suffit de lui parler du Japon. Voilà près de vingt ans que l'archipel aligne les plans de relance, déboursant des centaines de milliards d'euros pour construire des routes qui ne mènent nulle part et des bâtiments fantômes, le dernier programme de construction sur fonds budgétaires datant de lundi même.

Voilà près de vingt ans que l'archipel a fixé ses taux d'intérêt à zéro, dans l'espoir de ranimer une croissance évanescente depuis l'explosion de la bulle spéculative, au début des années 1990. Avec pour seule conséquence d'avoir fait exploser la dette publique. Quant à l'activité, bernique. Le Japon est resté dans les tréfonds de la déflation.

Le syndrome nippon est aujourd'hui le cauchemar des banquiers centraux américain et européen, confrontés à une reprise faiblarde. Que peut-on faire de plus lorsqu'on a fait tout ce qui était possible, se demandent-ils. Quels nouveaux outils utiliser lorsque les instruments habituels de la politique économique sont émoussés ? Peut-être l'atonie japonaise préfigure-t-elle la nôtre, celle des pays occidentaux ployant sous la dette, dépensant d'innombrables zéros virtuels - de l'argent emprunté, comme toujours - avec pour résultat un zéro bien réel, celui de la croissance.

Les plans de relance, s'ils ont momentanément ranimé l'activité, nous reconduisent inexorablement à une vérité simple et désagréable : on ne peut pas remédier à un excès de dette, cause de la crise financière, avec un surcroît de dette. Il n'y a que deux traitements pour ce mal. La purge violente, qui n'est guère plaisante. Ou bien une longue période de croissance plate, le temps d'ajuster les bilans - bilans privés aux États-Unis et bilans publics en Europe. Après la Grande Récession, nous voici embarqués dans la Grande Stagnation. Pour qui veut connaître le futur, il suffit d'un voyage à Tokyo.

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