Monde étrange, vous avez dit étrange ?

Par Sophie de Menthon, présidente du mouvement patronal Ethic.

Alors que l'université d'été du Medef a choisi pour thème "l'étrangeté du monde", on est impatient de voir émerger une réflexion fondamentale concernant une certaine inadaptation française à la conquête du monde. Le Medef souffre bien malgré lui du mal français, dont l'organisation épouse les défauts tout en voulant les combattre. Un mouvement historique de représentation patronale qui peine à entreprendre son ravalement. D'un côté des entrepreneurs qui créent notre richesse, de l'autre le symbole (injuste) d'un capitalisme outrancier montré du doigt tous les jours. Étrange : on se plaint de "l'État patron", mais on le sollicite, on profite des niches, des aides, des effets d'aubaine ; on plaide pour sa paroisse en catimini, on se veut libéral, mais la tentation protectionniste est toujours là. L'émancipation patronale tarde trop.

Une organisation qui finit par passer le plus clair de son temps à patauger dans l'institutionnel au lieu de servir concrètement ses membres. Sous prétexte de l'omniprésence politique, faut-il sans cesse flirter avec ses représentants, harceler les ministres pour qu'ils inaugurent un siège social ou visitent une usine ? Tirer fierté des convocations, rechercher l'approbation politique y compris à l'université d'été du Medef ? Étranges, les "négociations" avec les syndicats dont Yvon Gattaz (ancien président du CNPF) réclame la disparition pure et simple ! Effectivement, qu'attendre "d'ennemis de classe" qui ont un objectif idéologique aux antipodes de la nécessaire croissance liée à la productivité et à un coût du travail moins élevé ? Mais oui, les patrons sans l'avouer tentent d'éliminer les syndicats de leurs structures et on peut les comprendre : comment gérer, en plus de tout le reste, ceux qui sont dans l'opposition et dans l'hostilité permanente, éternels objecteurs de conscience économique. Il y a les exceptions ? heureusement ? et ces syndicalistes-là on les accuse d'être des "syndicats maison". Bizarre que le Medef consacre tant d'énergie à des négociations sans fin pour des résultats bien maigres, étrange situation où le politique tire son épingle du jeu face à un mode faussement contractuel.

Bizarrerie également que celle des entrepreneurs qui évitent les médias ; à penser qu'on est mieux entre soi, alors que les chefs d'entreprise gèrent et ont tout compris des nouvelles technologies, du marché médiatique et de l'importance de la communication. Les syndicats professionnels, eux aussi, ont bien intégré l'utilité de campagnes de pub collective pour leurs secteurs. La conquête de l'opinion publique française a été reléguée aux oubliettes, mais alors comment la France peut-elle partir à la conquête des marchés ? Étrange la décision qu'une marque "France" soit lancée et définie par le politique comme si cela ne concernait pas le Medef ? Paradoxal de se taire et de ne pas mobiliser les rangs autour d'un tel sujet qui, de fait, contribuerait à revoir tous les comportements patronaux.

Pourquoi de la même façon laisser à un secrétaire d'État le soin de réunir des assises des centres d'appels et répondre au coup de sifflet sans en avoir eu l'initiative soi-même si c'était utile ? Le Medef se tait ; pas son problème ? Trop dangereux ? Indifférence ? Peur de contrarier donneurs d'ordres ou prestataires ? Étrange...

Qu'y a-t-il d'intéressant par ailleurs à livrer une guerre de Troie ? qui n'a jamais vraiment lieu ? entre les petits et les gros ? La PME est à l'honneur, elle fait plus pitié que la multinationale, alors on livre une bataille démagogique pour revendiquer la représentativité des obscurs, des sans-grade et gagner la sympathie du public à peu de frais. L'entreprise en elle-même fait partie en France de l'étrangeté du monde et c'est dommageable.

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