Les prochains jours vont être essentiels pour l'agriculture française et européenne. Les tensions n'ont jamais été aussi fortes au sein des filières, notamment en élevage. Nombre d'agriculteurs souffrent en silence, confrontés à une crise économique sans précédent. Le consommateur semble parfois désorienté par une offre alimentaire, abondante certes, mais jugée parfois vide de sens et de saveurs. L'exercice auquel la Commission va se livrer dans les prochains jours est crucial !

C'est en effet le 18 novembre prochain qu'elle va dessiner les contours et les principes de la politique agricole commune (PAC) de l'après-2013. Même si de nombreuses discussions s'ensuivront, avec un rôle majeur qui incombe désormais au Parlement européen aux côtés du Conseil des ministres dans le cadre de la codécision, le ton et l'ambition seront donnés ce jour-là. Nous avons, dans les chambres d'agriculture, engagé, depuis plus d'un an, une large consultation des différentes parties prenantes : agriculteurs, syndicats agricoles, filières agricoles et agroalimentaires bien évidemment mais également consommateurs, ONG environnementales, partenaires territoriaux. Forts de cette consultation, nous avons acquis la conviction profonde que nous avions plus que jamais besoin d'une PAC forte, européenne et conciliant agriculture, alimentation et territoires.

C'est donc une rénovation ambitieuse, non dogmatique et porteuse de sens pour les 500 millions d'Européens, que nous appelons de nos voeux. Cette nouvelle PAC devra ainsi permettre à tous les agriculteurs de répondre aux nouveaux enjeux pour lesquels leur engagement est essentiel. Nous voulons évidemment parler d'alimentation mais également d'équilibre de territoires, de dépendance énergétique et de préservation des ressources naturelles.

Cette nouvelle PAC devra permettre de conjuguer performance économique et environnementale tout au long de la chaîne alimentaire, du paysan au consommateur. Cela suppose pour nous trois conditions à réunir. Tout d'abord, stopper le démantèlement des outils de régulation auquel nous avons assisté lors des vingt dernières années, et instaurer de vrais filets de sécurité flexibles et efficaces pour toutes les productions.

Il s'agit également de développer les politiques contractuelles au sein des filières. L'enjeu alimentaire en Europe et dans le monde ne peut être laissé dans les seules mains du marché.

Ensuite, fonder les soutiens à l'agriculture sur le niveau élevé d'exigences que nous lui conférons en Europe. Une alimentation diversifiée et de qualité, une agriculture garante de l'équilibre des territoires et de la préservation des ressources naturelles ne vont pas de soi ! C'est un vrai modèle de société proposé par les agriculteurs, mais qui suppose un engagement collectif et des soutiens tout à la fois significatifs et modulables en fonction des territoires et des enjeux qui s'y expriment : zones de montagne, zones défavorisées, zones périurbaines, zones vulnérables sur le plan environnemental, nouveaux États membres. Cela passe aussi par une harmonisation sans faille des normes au niveau européen.

Enfin, refonder la politique de développement rural pour plus d'efficacité économique et environnementale. Cela suppose un cadre consolidé avec des mesures transversales structurantes : mesures agro-environnementales privilégiant une approche système, généralisation des assurances climatiques, gestion des risques économiques, politique d'installation de jeunes agriculteurs et de modernisation des exploitations.

Cela passe également par plus de subsidiarité pour faciliter l'émergence de projets de filières ancrées dans les territoires et la place des agriculteurs dans l'innovation pour nourrir la dynamique d'amélioration continue des pratiques agricoles. Face à ces enjeux majeurs, nous espérons une communication ambitieuse de la Commission européenne.