Les dix mythes économiques et financiers

Trois ans et demi après l'éclatement de la crise, il apparaît nécessaire de remettre à plat les mythes bien ancrés dans l'esprit collectif, d'après une étude d'Edward Ladd, président émérite de Standish Mellon.
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Il est essentiel pour les investisseurs de savoir identifier leurs connaissances mais plus encore leurs ignorances. Un tel exercice revient à mettre à plat les dix mythes ancrés dans l'esprit collectif.

Mythe n° 1 - La crise des "subprimes" est à l'origine de la crise financière mondiale.

Les causes de la crise des marchés financiers vont bien au-delà des crédits subprimes et trouvent leur origine dans une complaisance énorme de certains acteurs à l'égard du risque, lui-même sous-estimé sur la quasi-totalité des classes d'actifs.

Mythe n° 2 - L'austérité budgétaire peut cohabiter avec la croissance économique.

Les reprises économiques associées à des périodes d'austérité ont généralement impliqué une forte baisse des taux d'intérêt, une utilisation des excédents d'épargne des ménages, ou une dévaluation de la devise. À l'heure actuelle, le monde ne dispose plus de contrepoids naturel à l'austérité budgétaire, une forte réduction des dépenses gouvernementales à ce stade risque de remettre en cause la reprise.

Mythe n° 3 - Le risque déflationniste est lié à l'évolution des prix à la consommation aux États-Unis.

La force dominante n'est pas la tendance passée de l'inflation, mais au contraire l'impact que les anticipations inflationnistes produisent sur les décisions futures d'investissement et le comportement économique. Le taux d'inflation implicite à dix ans étant de près de 2 % sur les obligations d'État indexées sur l'inflation (TIP's), les craintes déflationnistes ne semblent pas justifiées.

Mythe n° 4 - L'appréciation de la devise chinoise aiderait sensiblement l'économie américaine.

Une réévaluation du yuan risquerait d'affecter les exportations de biens chinois mais aussi de réduire les coûts à l'importation, ce qui finalement produirait un impact limité sur l'excédent commercial chinois. Les États-Unis ont surtout un déficit commercial bilatéral avec la Chine mais ont également besoin d'importer des flux de capitaux étrangers multilatéraux afin de financer le différentiel entre l'investissement et l'épargne domestique. Ces importations de capitaux étrangers perdureront tant que ce déséquilibre ne sera pas résorbé, indépendamment du commerce avec la Chine.

Mythe n° 5 - L'objectif d'inflation devrait constituer une fondation majeure de la politique monétaire.

Une nouvelle école de pensée invite la Fed à adopter un objectif d'inflation (implicite) encore plus élevé, afin de stimuler la consommation et l'investissement et d'éviter les écueils déflationnistes. La question clé est de savoir quelle mesure d'inflation utiliser à cette fin. Diverses mesures d'inflation peuvent produire des données radicalement différentes. Toujours est-il que les banques centrales ne devraient plus ignorer l'inflation des prix des actifs, comme lors de la dernière bulle où le risque pesant sur les actifs avait été largement sous-estimé.

Mythe n° 6 - Le PIB est la meilleure mesure de santé économique.

Le PIB mesure l'activité brute, hors dépréciations, lesquelles par exemple représentent près de 2.000 milliards de dollars sur un PIB américain de 14.000 milliards. Le calcul de la croissance pâtit également d'un effet de base usuel : une période précédente marquée par une croissance faible donne toujours lieu à une croissance qui semble par la suite mieux orientée. Le calcul du PIB n'intègre pas non plus le passif à venir en termes de dettes avec le risque de sous-estimer largement les problèmes économiques d'un pays.

Mythe n° 7 - Le déficit budgétaire actuel par rapport au PIB définit le risque lié à la dette souveraine.

De la Grèce au Japon, le stress porte sur les déficits budgétaires publiés cette année, dans la mesure où ils représentent un pourcentage du PIB parfois encore plus élevé que la part représentée par l'encours de la dette par rapport au PIB. Tous ces chiffres ne tiennent pas compte de la valeur présente du passif à venir principalement dû aux engagements liés à la retraite et à la Sécurité sociale, ce qui constitue une source encore plus importante de risque en termes de dette souveraine.

Mythe n° 8 - Acheter des actions = investir.

L'investissement passe par une allocation relativement efficiente du capital de manière à contribuer à la vigueur, la productivité et la pérennité de l'économie. Benjamin Graham, l'investisseur star de Warren Buffett, n'a eu de cesse de faire la distinction entre l'investissement et la spéculation. Les données actuelles suggèrent que c'est surtout cette dernière qui domine.

Mythe n° 9 - Les gouvernements peuvent combler le déséquilibre des régimes de retraite en émettant des obligations.

L'illusion consiste à mettre du levier au niveau des fonds de retraite en espérant qu'en détenant les actifs risqués à la marge les actifs plus risqués du fonds progresseront suffisamment pour réduire la part des engagements non financés avant que les obligations émises par l'État arrivent à maturité.

Mythe n° 10 - « Cette fois, c'est différent ».

Le titre de l'ouvrage de Kenneth Rogoff et de Carmen Reinhart illustre parfaitement le ridicule de ce mythe. Les auteurs ont méticuleusement disséqué « huit siècles de folie financière » afin de mettre en lumière les similitudes entre toutes les crises financières.

L'histoire nous apprend que certains mythes doivent être écartés afin d'éviter qu'ils ne deviennent ainsi la cause de crises futures.

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