Il y a deux France... et deux François...

Chaque semaine, Hélène Fontanaud propose son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir avant l'élection présidentielle. Aujourd'hui : François Fillon versus François Hollande.
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La France est entrée le 8 janvier dans une longue période de commémorations qui va nous amener jusqu'au trentième anniversaire de l'élection de François Mitterrand à la présidence de la république. Les socialistes reconnaissants ont coutume de répéter que l'homme du 10 mai incarnait la France. Il en portait déjà le prénom royal.

En ce début 2011, ils sont deux François à se partager les honneurs des rubriques politiques. François Fillon, Premier ministre conforté et possible recours à droite, et François Hollande, ancien patron du Parti socialiste en cours de présidentialisation.

Dans ses voeux à la presse, le 10 janvier, le chef du gouvernement a pris la mesure de son nouveau rôle de chef de la majorité. Il s'est payé le luxe de rappeler à l'ordre le nouveau secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, qui était parti, étendard claquant au vent, guerroyer contre les 35 heures. François Fillon a cruellement souligné le caractère inutile des propositions du mousquetaire copéiste Christian Jacob sur l'emploi à vie des fonctionnaires. Etre inutile pendant l'année utile voulue par Nicolas Sarkozy, il n'y a sans doute pas pire faute pour un responsable de l'UMP...

François Fillon, qui vivait depuis trop longtemps dans l'ombre de Nicolas Sarkozy, s'installe avec beaucoup de bonheur dans la lumière. Conservateur trop bien coiffé pour son rival centriste Jean-Louis Borloo, il cultive son image de Churchill français. Il ne promet rien de moins à sa majorité inquiète que le sort de Londres sous les bombes nazies. "Il nous reviendra de gérer les affaires de la France avec beaucoup de sang-froid. Ce sera d'autant plus nécessaire que nous serons soumis à une surchauffe électorale qui n'est jamais la meilleure des inspiratrices. [...] Il va falloir répondre à la radicalisation de nos adversaires" à gauche et à l'extrême droite, a-t-il souligné lundi dernier.

Chef de guerre, François Fillon défie le Parti socialiste, qui présentera son projet présidentiel le 28 mai et désignera son candidat pour 2012 les 9 et 16 octobre. "Les Français vont enfin pouvoir juger des propositions des uns et des autres ! La critique du président de la république et du gouvernement ne suffira plus ! Le temps de la comparaison et, je l'espère, du débat de fond, va pouvoir commencer", a lancé le Premier ministre.

Pour cette bataille-là, François Hollande se prépare, tissant « patiemment » son lien avec les Français. Il laisse Churchill à François Fillon pour cultiver un mendésisme rénové. "Depuis plusieurs mois, j'ai présenté des propositions, souligné l'urgence d'un redressement économique et financier, marqué l'exigence de la juste répartition de l'effort, fixé une priorité majeure, les jeunes, et souligné l'enjeu de la cohésion nationale", a déclaré l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste dans une interview à "Libération".

Une enquête Ifop publiée la semaine dernière dans France Soir a relancé le buzz autour du député de la Corrèze. Entre décembre et janvier, François Hollande a fait un bond de 13 points dans l'électorat PS, passant de 5 à 18% de souhaits de le voir représenter la gauche dans la course élyséenne. Distancé par le champion des sondages, Dominique Strauss-Kahn, qui recule de 5 points, à 47%, il devance Martine Aubry, troisième à 12% (moins 5 points) et Ségolène Royal (11%, soit moins 8 points).

Réformiste de gauche, occupant le centre du PS, sérieux, François Hollande aurait voulu des primaires avant l'été. Sans doute pour couper la route de Dominique Strauss-Kahn mais aussi et surtout parce que, nourri de l'expérience des présidentielles passées - et perdues -, il estime qu'il ne faut pas tarder à désigner celle ou celui qui incarnera la possible alternance. François Hollande a contre lui la direction du PS autour de Martine Aubry et sait que, si DSK revient, la force d'attraction du patron du FMI sera énorme. Mais il poursuit son chemin, opiniâtre. Se fixant un seul écueil : une défaite aux cantonales de mars en Corrèze l'empêcherait de concourir aux primaires. "C'est une évidence. La source de ma légitimité, c'est le suffrage universel", répète-t-il.

François Fillon, revendiquant fièrement l'héritage de son mentor, le gaulliste social Philippe Séguin, et François Hollande, orphelin de Jacques Delors mais disciple de François Mitterrand, sont deux visages des deux France qui s'affronteront dans les urnes au printemps 2012. Pour le premier, il n'est pas question de disputer le rôle de leader à Nicolas Sarkozy. Pour le second, il est temps de saisir son risque.

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